Par les moyens de télécommunication de notre époque, le « monde entier » comme on le dit souvent est le témoin depuis plusieurs mois de crimes de guerre commis par une armée contre des civils, et, avec des armes modernes, des dizaines de milliers de civils en ont perdu la vie, ou une partie de leur corps, puisqu’une armée outillée par le lobby militaro-industriel les cible méthodiquement, bien que le droit international interdise de telles actions. Le tonnage de bombes déversé sur Gaza aurait dépassé celui qui le fut sur Hiroshima. Atteindre le même nombre de victimes pourrait être atteint (ou est déjà atteint), et ce uniquement avec des armes non nucléaires. Mais des dirigeants israéliens, des fanatiques israéliens, ont proposé, réclamé, l’usage de ces armes nucléaires puisque, suite à des décisions américaines gravissimes, ce petit Etat de moins de dix millions d’habitants dispose de telles armes. Et ces mêmes dirigeants semblent clairement souhaiter qu’une spirale catastrophique s’enclenche dans cette région du monde, par une guerre contre l’Iran. Si le chef actuel du Département d’Etat, ce Ministère des Affaires Etrangères américain, Anthony Blinken, fait mine de refuser une telle perspective, nous ne pouvons pas oublier que nous assistons depuis la disparition de l’URSS dans cette région du monde a des agressions américaines ou conditionnées par les Etats-Unis, de l’Irak à la Palestine, en passant par la Syrie, le Yemen. Quand il était encore jeune, le futur premier ministre israélien, M. Netanyahou, en appelait à de telles guerres contre ces pays, et les Etats-Unis l’ont fait et continuent de le faire.
Et de 1945 à aujourd’hui, les volontés américaines ont largement façonné l’ordre du monde, en particulier par la violence militaire – mais aussi, des coups d’Etat, des assassinats, des investissements financiers au profit d’opposants (cf. la liste importante et impressionnante des livres qui détaillent ces actions). Aujourd’hui, le stock d’armes nucléaires sous le contrôle des Etats-Unis serait de plus de 5000 – mais il nous paraît préférable d’utiliser le conditionnel, étant donné les pratiques militaires (le secret, la volonté de disposer d’un nombre réel d’armes plus élevé que le nombre reconnu, déclaré). La Russie disposerait d’un total proche de celui-ci, la Chine approcherait les 500, la France les 300, le Royaume-Uni, les 230, le Pakistan et l’Inde, les 200, Israël, une centaine, et la Corée du Nord en aurait quelques unes (mais ces affirmations viennent de cadres américains, et il n’est pas possible de les croire sur parole). L’Allemagne et le Japon, officiellement, n’en auraient pas, et si tel est le cas, nous savons que si un gouvernement de ces deux pays décidait d’exiger de ces savants militaires la production de telles armes, ces deux Etats pourraient en disposer dans un délai très bref. En somme, le total de ces armes atteindrait les 12000. Ces armes actuelles sont, évidemment, hélas, bien plus puissantes que ne le furent celles utilisées contre les villes japonaises d’Hiroshima et de Nagasaki. Moins de 10 pays disposent donc d’armes qui menacent l’existence de l’ensemble de la population mondiale. La majorité des Etats, présents au sein de l’ONU, ont déjà, ensemble, voté des résolutions contre cet armement nucléaire, mais les pays dits « membres du conseil de sécurité », et disposant d’un droit de veto, font partie de ceux qui disposent de ces armes, et ils bloquent, CONTRE LA MAJORITE MONDIALE, tout progrès dans la protection partagée, réciproque, des populations.
Au premier chef, il y a les Etats-Unis, un Etat souvent qualifié de « démocratie », bien que, tant pour sa population que pour les autres populations du monde, la « volonté générale » soit, de fait, méprisée par ces dirigeants. Or il n’est pas anodin que ce soit cet Etat dont des dirigeants ont osé décider l’usage des premières armes nucléaires, contre les populations d’Hiroshima et de Nagasaki, auxquelles des commémorations ont, comme chaque année, rendu, il y a quelques jours, un hommage sincère et ému – avec un maire, celui de Nagasaki, qui a fait le lien entre la commémoration dans sa ville et la situation subie par les Palestiniens de Gaza. Le premier responsable, tout le monde le sait, le connaît, fut Harry Truman.
Il est décédé fin 1972. Puisque les deux bombardements atomiques américains d’août 1945 furent son fait, il aurait donc pu être poursuivi pour « crimes de guerre », « crimes contre l’Humanité », mais la situation mondiale de la guerre froide a favorisé sa protection, sans compter qu’il était le président des Etats-Unis, son ex président. Et dans nombre de pays du monde, il n’y a pas de procès contre des morts. C’est ce que nous voulons inviter les uns et les autres à réfléchir, par l’articulation entre un procès contre un responsable, coupable, un mort, et de possibles futurs responsables, coupables. Pourquoi ?
Un procès contre Harry Truman ne viserait évidemment pas à conclure à une condamnation accompagnée d’une « peine ». Sa mort a libéré Harry Truman de l’inter-contrôle humain. Mais, nous, les humains survivants, nous avons encore le contrôle sur, son nom, sa réputation, le « jugement de l’Histoire », sans compter que, en le jugeant, il s’agirait aussi de juger celles et ceux qui ont pensé vouloir et pouvoir et devoir l’imiter, qui penseraient vouloir et pouvoir et devoir l’imiter. Ce serait également un message adressé aux dirigeants américains dont certains, actuels, ne paraissent pas être dominés par une raison certaine et suffisante, « raison » dans laquelle nous devons associer la prise en compte, par empathie, de l’existence des êtres humains, quels qu’ils soient, notamment quand ils ne sont pas américains. La Cour Pénale Internationale paraît être la mieux adaptée pour juger de ces crimes, mais, selon sa compétence « ratione temporis », elle ne peut juger de crimes commis avant sa naissance, en 2002. En outre, bien que les Etats-Unis aient signé le « Statut de Rome » (2), ils ont, sous l’administration Bush, retiré leur signature, et ont clairement fait comprendre qu’ils considèrent qu’aucun citoyen américain ne pourrait être jugé par cette instance judiciaire internationale. En « cohérence » avec cette position, les Etats-Unis ont pu ainsi mener des actions militaires très destructrices, sans crainte, puisque leurs dirigeants se prétendent dans une situation spéciale, à l’écart des lois internationales. Ce mauvais exemple a été logiquement imité par d’autres. Cette volonté des dirigeants américains démontre qu’ils entendent « jouer le jeu » des affaires internationales, mais ne jamais pouvoir être sanctionné, directement, via des jugements contre des personnes, pour ce qu’ils ont décidé et fait dans ces affaires. Autrement dit, un procès de la CPI qui viserait Harry Truman paraît impossible à tenir.
En fait, il pourrait l’être par une autre stratégie, avec la tenue d’un procès PREVENTIF pour des crimes contre l’Humanité, des crimes de guerre, contre des responsables/coupables d’une guerre mondiale qui rendrait leur jugement officiel par une CPI ou une autre instance impossible, dans la mesure où la majorité des êtres humains aurait disparu. Selon ses statuts, la CPI pourrait être dans l’impossibilité de tenir un tel procès, puisqu’il n’y a pas encore ni actes ni donc responsables/coupables, mais, précisément, il faut exiger la prise en compte d’une situation exceptionnelle, dans la mesure où la commission de tels actes/crimes serait telle que la CPI serait alors dans l’incapacité définitive de tenir le moindre procès, dans la mesure où elle cesserait d’exister. Et, dans le dossier qui pourrait être déposé auprès de la CPI, les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki pourraient alors être rappelées, la responsabilité personnelle d’Harry Truman, le fait qu’il ait échappé, dans d’autres conditions, à tout autre jugement que celui de l’Histoire humaine, ou celui de « Dieu ». Concernant de tels futurs crimes possibles, la condition « ratione temporis » est, elle, satisfaite. Puisque les crimes sont définis, pré-définis, dans le Statut de Rome de la CPI, nul besoin qu’ils adviennent pour qu’ils puissent être, de facto, discutés, d’autant que nul ne peut souhaiter, sauf les monstres, que ces crimes adviennent pour pouvoir être évalués et jugés. Il s’agirait donc, pour la CPI, de tenir un procès, historique, qui aurait pu objet d’évaluer ces crimes pré-définis, dans le cadre de l’hypothèse d’une guerre mondiale plus étendue que les deux premières, afin, également, de permettre des actions préventives contre des personnes qui auraient pour intention/volonté de rendre possible une telle guerre et de tels crimes. Parce que, en l’espèce, la CPI a la responsabilité de contribuer à empêcher leur commission, et pas à envisager sa propre action à postériori, puisque, selon toute probabilité, elle n’existerait plus pour pouvoir agir alors…
Quoiqu’il en soit, la lecture du Statut conduit à constater l’existence de, au moins, deux problèmes de définition des objets, principes, conséquences :
- la PREVENTION des crimes pris en compte par la CPI n’est pas développée, et à fortiori, centrale, avec un propos qui évoque de tels crimes COMME SI ceux-ci étaient des faits, nécessaires, alors qu’il s’agit, au contraire, de les empêcher, et si nous ne pouvons pas les empêcher… Et de ce point de vue, la CPI a un rôle à jouer
- La partie consacrée aux peines est emblématique de ses difficultés théoriques/juridiques, dans la mesure où celle-ci tient en une page, et la logique concernant les peines est réduite à deux dimensions, la durée et l’indemnisation. Et ce alors que nous parlons des pires crimes possibles contre les humains, par des humains.
Autant dire que, il y a plus de 20 ans, un travail s’est concrétisé dans ce Statut, un travail philosophique, politique, juridique, mais ce travail n’est pas fini, y compris parce que ses bases sont incomplètes, insuffisantes, ou problématiques. Aujourd’hui, alors qu’elle est confrontée à ce que, selon ses propres définitions, elle qualifie comme des « crimes de guerre », « crimes contre l’Humanité », « génocide », elle est en à envisager d’émettre des mandats d’arrêt contre les responsables connues, sans avoir fait connaître une décision. De son côté, la Cour Internationale de Justice, l’organe judiciaire principal de l’ONU, a fait connaître une ordonnance et un avis consultatif, concernant la Palestine et Israël. Et suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de nombreux Etats, notamment occidentaux, ont décidé d’imposer des sanctions, toujours plus étendues. Or, dans la mesure où les dirigeants israéliens n’ont toujours pas pris en compte ce que la CIJ leur a ordonné, des sanctions immédiates et conséquentes devraient être engagées par tous les pays et notamment ceux-ci. A ce jour, nous constatons que ces Etats prétendre interdire, et décident de sanctionner, des violations du droit international, et, EN MEME TEMPS, n’interdisent rien à un « allié », Israël.
- Cf. Le livre de Stephen King, « Dead Zone »
- Le Statut de Rome, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale est le traité international qui a créé la CPI. Une Conférence internationale à Rome, entre le 15 juin et le 17 juillet 1998, a conduit à son adoption. 60 Etats l’ont ratifié, avec une entrée en vigueur le 1er juillet 2002. Le document officiel est disponible ci-dessous.