Antisémitisme : Jean-Luc Mélenchon par Médiapart, une contribution à une diffamation publique largement diffusée, de la droite à l’extrême-droite

Médiapart a publié un article intitulé, « Antisémitisme : les fautes de Jean-Luc Mélenchon », signé par Lénaïg Bredoux et Fabien Escalona. La présentation de cet article affirme : « Le chef de file de La France insoumise a fait ces dernières années plusieurs déclarations ambiguës, voire imprégnées de stéréotypes antisémites, dénoncés comme tels par de nombreuses organisations juives et au-delà. Une « absence de sensibilité » ou un « déni » que le leader de la gauche conteste fermement. ». Or, en conclusion de leur article, les deux auteurs doivent conclure

que, bien qu’ils continuent de répéter et répéter qu’il y a de sa part, un recyclage de « préjugés antijuifs ou sorties aux connotations plus ambiguës », tout cela « ne saurait conduire à le qualifier brutalement « d’antisémite ». Autrement dit : si, brutalement, il n’est pas possible de le qualifier ainsi, moins « brutalement », moins clairement, il suffit de parler de recyclage ou d’ambiguïté pour le dire malgré tout. Or cette pratique consiste à diffamer explicitement mais « faiblement » : on ne dit pas de vous que vous êtes antisémite, mais vous n’en êtes pas loin, et si près de, vous l’êtes déjà un peu. Cette pratique rhétorique est scandaleuse. Ou il y a antisémitisme, haine contre des sémites et spécifiquement contre les Juifs, ou pas. La liste des attaques contre Jean-Luc Mélenchon est la suivante :

  • après l’introduction de l’article qui n’hésite pas d’emblée à affirmer que « (…) le chef de file de La France insoumise (LFI), premier parti de gauche en France, a aussi tenu ces dernières années des propos ambigus, voire imprégnés de stéréotypes antisémites. » Le propos n’est donc pas de conclure mais de démontrer. La formule concernant des propos « imprégnés de stéréotypes antisémites » est la plus grave : s’il y a des stéréotypes antisémites qui imprègnent, il y a donc antisémitisme… La première référence concerne la situation actuelle et les manifestations.  » Sur le réseau social X (ex-Twitter), Jean-Luc Mélenchon, qui se sait pourtant attendu sur chaque mot, a traité l’initiative par le mépris. « Les amis du soutien inconditionnel au massacre ont leur rendez-vous », concluait-il sèchement dans son message du 7 novembre « . La phrase «  Les amis du soutien inconditionnel au massacre  » est limpide, mais on comprend que des soutiens de ce massacre et de cette manifestation n’apprécient pas l’évaluation… Les auteurs continuent en indiquant que  » Dans le même message, l’ancien député a pu écrire « sous prétexte d’antisémitisme », sans ajouter un mot sur les actes antisémites visant les juifs et les juives en France – plus de 1 000 ont été recensés par le ministère de l’intérieur depuis les attaques du Hamas en Israël le 7 octobre. « Il n’y a jamais eu autant d’actes antisémites dans un temps aussi court ces dernières décennies », souligne la chercheuse Nonna Mayer.  » La manifestation publique invoque en effet l’antisémitisme, pour justifier cette marche, et, comme les deux auteurs, le fait que des actes antisémites se seraient multipliés ces dernières semaines. Pour justifier cette affirmation, les auteurs ne font pas appel à leur propre enquête, mais à un chiffre donné par le Ministère de l’Intérieur, alors que celui-ci n’a pas prouvé ce chiffre. Un Ministère qui, lui, est dirigé par un ancien (ancien ?) de  » l’Action Française « , dont la tête pensante, Charles Maurras, a été condamné par l’Histoire et par un tribunal de la Libération. Une accusation stratégique, pour tenter de neutraliser le mouvement social au soutien des Palestiniens, pour salir tous les opposants au gouvernement israélien, en prétendant pouvoir justifier l’égalité entre antisémitisme et antisionisme.
  • La seconde référence concerne des agences de communication privées/publiques, des  » médias « , dont les propriétaires sont connus pour être Juifs ET pour être des soutiens du gouvernement israélien, dont la violence actuelle est incontestable et scandaleuse.  » Quelques jours plus tôt, Mélenchon, qui, répétons-le, se sait scruté, avait dénoncé de la manière suivante le traitement médiatique par Libération et BFMTV de la manifestation en soutien à Gaza :« Même propriétaire même mensonge ». L’Insoumis se trompe – Patrick Drahi, homme d’affaires franco-israélien, n’est plus au capital de Libé –, mais là n’est pas l’essentiel. C’est le sous-entendu d’assignation identitaire qui interpelle « . Or il n’y a pas sous-entendu mais clairement référence à une identité, juive, de Juifs favorables à Israël, lesquels, publiquement, personnellement, ou via leurs outils d’échos de leur égo, se disent fiers et d’être Juifs et d’être des soutiens d’Israël. Et quid de ce  » traitement médiatique de la manifestation en soutien à Gaza  » par ces outils ? Les auteurs n’en parlent pas, mais le supposent objectif. Des milliers de lecteurs ont pu en percevoir, au contraire, la partialité. Donc, où est le problème de constater et de mettre en cause que des Juifs français pro israéliens soient pro israéliens et soient au service du gouvernement d’Israël ? Est-ce interdit ? Est-ce…  » antisémite » ?! Il faudrait donc que CES JUIFS-LA soient représentatifs de TOUS les Juifs du monde. Or de très nombreux Juifs, en France et dans le monde, s’opposent à ces Juifs-là. Pourquoi faire référence aux Juifs comme s’ils étaient unis quand ils sont divers et divisés ? Il n’est pas rien que des propriétaires de ces outils se servent de ceux-ci pour des préférences politiques.
  • la troisième référence relève d’une hallucination collective :  » Le 22 octobre, le responsable LFI avait déjà tweeté une vidéo d’un rassemblement en soutien au peuple palestinien à Paris, l’accompagnant du message suivant : « Voici la France. Pendant ce temps, Madame Braun-Pivet campe à Tel-Aviv pour encourager le massacre. Pas au nom du peuple français ! ». Le verbe camper aurait été utilisé dans le passé par l’extrême-droite pour mettre en cause les Juifs du monde. Mais alors, il faudrait disposer de la liste des verbes et des mots dominants utilisés par cette même extrême-droite parce que, puisqu’elle les aurait utilisés, elle aurait alors mise sa patte dessus, et, désormais, ces mots seraient définitivement perdus pour la langue française. Mais alors que dire de ces personnes qui usent de la même rhétorique que l’extrême-droite contre Jean-Luc Mélenchon, en l’accusant d’être antisémite… ? Faut-il en conclure que nous avons affaire à une presse… d’extrême-droite ?`
  • la quatrième référence  » Par le passé, d’autres déclarations ont généré un trouble similaire. Certaines semblaient minimiser des crimes antisémites. Ainsi, voilà deux ans, Jean-Luc Mélenchon avait indiqué sur un plateau télé : « Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle, nous aurons un grave incident ou un meurtre. […] Tout ça, c’est écrit d’avance. » Il faisait alors allusion à l’attaque sur les Champs-Élysées en 2017 et aux attentats par Mohammed Merah en 2012, qui a tué trois militaires, trois enfants et un enseignant juifs, à Montauban et à Toulouse « . Comment l’évocation d’un attentat contre des personnes françaises et juives, l’expression de la crainte qu’un nouvel attentat soit commis contre d’autres personnes également françaises et juives, peuvent-elles être considérées comme minimisant  » des crimes antisémites » ? Ce point n’est pas plus argumenté, mais seulement affirmé.
  • la cinquième référence intrigue. Elle prétend pouvoir faire le lien entre l’accusation chrétienne contre  » le peuple déicide « , avec un échange lunaire sur le plateau de BFMTV :  » Interrogé à propos des violences policières sur le fait de savoir si « les forces de l’ordre [devaient] être comme Jésus sur la croix qui ne réplique pas », l’Insoumis a répondu :« Je ne sais pas si Jésus était sur la croix, mais je sais que, paraît-il, ce sont ses propres compatriotes qui l’y ont mis. » « . Preuve que ces invitations par de telles déchaînées chaînes n’induisent pas une réponse toujours favorable, parce que, dans un dialogue sans concentration ni nécessité, on peut parfois tenir un propos qui n’a aucun intérêt. Cela peut arriver à Jean-Luc Mélenchon, comme à qui que ce soit.
  • la sixième référence concerne encore un propos tenu sur une de ces déchaînées chaînes : «  Un an plus tard, Mélenchon réagissait (là encore sur BFMTV) aux propos du grand rabbin de France Haïm Korsia, qualifiant d’antisémite le candidat d’extrême droite Éric Zemmour. « Qu’un juif soit antisémite est une nouvelle, a répondu le leader insoumis […] Il me semble qu’il se trompe. Monsieur Zemmour ne doit pas être antisémite parce qu’il reproduit beaucoup de scénarios culturels “on ne change rien à la tradition, on ne bouge pas, la créolisation mon Dieu quelle horreur”, tout ça, ce sont des traditions qui sont beaucoup liées au judaïsme. Ça a ses mérites, ça lui a permis de survivre dans l’histoire. »« . Si les propos tenus par Eric Zemmour ne sont pas cités par les auteurs de l’article, les propos de Jean-Luc Mélenchon les font deviner : Eric Zemmour aura fait l’éloge du communautarisme juif. Pour Jean-Luc Mélenchon, cette position est tout à fait banale dans le judaïsme (l’importance de la mère dans la transmission de l’être-juif, du mariage entre juifs, un principe communautaire universel). S’il pouvait paraître immédiatement intéressant que le grand rabbin de France ait qualifié Eric Zemmour, juif, d’antisémite, la réflexion de Jean-Luc Mélenchon sur les propos d’Eric Zemmour a considéré que ceux-ci étaient banals, et que puisqu’ils sont conformes aux propos et aux comportements de tant de Juifs dans le monde, il ne pouvait pas être qualifié d’antisémites. Jean-Luc Mélenchon refusait de se joindre à CETTE accusation contre Eric Zemmour, et au lieu de lui en être tenu crédit, elle lui est encore reprochée. Peut-être faut-il refuser de s’exprimer sur les Juifs, le judaïsme, pour éviter d’être accusé ?
  • La septième référence concerne une accusation classique contre les Juifs : l’argent, et notamment l’argent de la finance. Si, en effet,  » (…) la figure du « financier » renvoie à une réalité du système économique dominant (…) elle est aussi un cliché antisémite éculé « , l’existence de cette accusation interdit-elle de parler de la finance ? Tout propos concernant la finance mondiale est-il, explicitement ou implicitement, antisémite ? Fascinant : il suffit que l’extrême-droite tienne des propos de haine, pour que l’objet de leur haine ne puisse plus être évoqué, autrement, différemment ! Est-ce que la finance mondiale est seulement le fait de personnes juives ? Evidemment, non ! Les personnes qui réalisent ces pratiques, ces objectifs, sont diverses, et les personnes juives qui en font partie ne sont pas dominantes, majoritaires.
  • Les auteurs de l’article citent des auteurs, avec lesquels ils sont en accord, pour considérer que la parole publique devrait être autrement et sévèrement encadrée, SELON LEURS CRITERES, afin que, dès lors, aucune accusation d’antisémitisme ne puisse être formulée. Mais ce sont LEURS PROPOS qui sont problématiques ! Un auteur considère qu’il ne faut pas considérer que l’identité juive est liée à un culte (une religion), alors que les Juifs du monde le disent, même quand il s’agit de prendre une distance avec. Un autre considère qu’il faut prendre en compte  » l’air du temps » et, en fonction de cet  » air « , il faut éviter des mots, comme précédemment avec le cas de  » camper « . Ce passage compte donc deux références supplémentaires, la huitième et la neuvième.
  • La dixième concerne l’Histoire, et le régime pétainiste :  » Sur le terrain mémoriel, une autre déclaration de Mélenchon, moins souvent citée, a été remarquée par l’historien Robert Hirsch. En juillet 2017, l’Insoumis a en effet critiqué le discours d’Emmanuel Macron réaffirmant la responsabilité de la France dans la rafle du Vél’ d’Hiv’. « Vichy ce n’est pas la France […]. Déclarer que la France est responsable de la rafle du Vél’ d’Hiv’ est là encore un franchissement de seuil d’une intensité maximale. […] Il n’est pas au pouvoir de Monsieur Macron d’assigner tous les Français à une identité de bourreau qui n’est pas la leur ! », a estimé le chef de file insoumis.  » Le propos conteste la jurisprudence chiraquienne, pour s’en tenir à l’analyse de son mentor, François Mitterrand. Le problème est trop vaste pour être discuté ici.
  • La onzième référence concerne les échanges polémiques entre Jean-Luc Mélenchon et le CRIF. Les propos, odieux, scandaleux, diffamatoires, du CRIF le concernant ne sont pas cités par les auteurs de l’article. Mais la rédaction de Médiapart parvient à trouver à mettre en cause Jean-Luc Mélenchon (sans aucune critique pour le CRIF). Après avoir rappelé que, suite à l’assassinat de Mireille Knoll, une marche avait été tenue. Le principal dirigeant du CRIF avait fait savoir qu’il ne souhaitait pas la présence de Jean-Luc Mélenchon, et des membres de la LDJ présents à la manifestation l’avaient insulté et menacé, l’obligeant à partir. La rédaction de Médiapart ne trouve rien à redire, sur cette instrumentalisation de la mort de Mireille Knoll, par d’autres haineux – ces Juifs d’extrême-droite. Si le CRIF est ainsi évoqué, c’est que, un an après, alors que Jeremy Corbyn subissait des accusations diffamatoires sur le même sujet, avec des conséquences gravissimes sur les élections et sur les orientations politiques du Labour, désormais tombé entre les mains d’un agent de la CIA (cf. la presse anglaise sur ce sujet), une phrase lui est encore reprochée, sur la « génuflexion devant les ukases arrogants des communautaristes du Crif ». Cette image, se mettre à genoux, est accusée d’être, ELLE AUSSI, une expression antisémite, puisque « « La génuflexion ravive l’argument des dominations juives », », selon le journaliste Claude Askolovitch. Et la rédaction n’hésite pas à faire le lien entre Jean-Luc Mélenchon et un texte écrit en 1889 ! (dans une profession de foi de l’artiste montmartrois Adolphe Willette, « candidat antisémite » aux élections à Paris). Vous pouvez rire.

La fin de l’article entend donc maintenir le cap de l’accusation, en la tempérant – puisqu’elle n’est pas démontrée et qu’il n’est pas possible de la démontrer. L’auteur de cette note n’est pas un mélenchonphile ou lâtre. Mais, dans notre monde, où « (…) le sens d’un énoncé ne dépend pas seulement de l’intention (même bonne) du locuteur ; il dépend aussi de l’air du temps qu’ont à l’esprit les auditeurs […]. Les signifiants flottants sont d’autant plus dangereux quand la conjoncture elle-même est glissante », l’accusation d’antisémitisme ne peut pas, plus que jamais, être utilisée à tort et à travers, servir des objectifs politiques capricieux, des manoeuvres, et reste inacceptable dès lors qu’elle sert à salir une personne qui n’est pas antisémite. La légèreté avec laquelle Médiapart joue de cette accusation et de ce stigmate interroge sur le sérieux et les intentions des auteurs de cet article et de la rédaction.

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Michelle
Michelle
1 année il y a

Merci pour cette longue analyse et pour les arguments développés.

Frédéric MACARY
Frédéric MACARY
1 année il y a

Clair net précis et argumenté donc merci

Colombini
Colombini
1 année il y a

Merci pour la clarté de la démonstration. Oui la FI et Jean-Luc Mélenchon n’auront pas à rougir devant l’Histoire avec un grand H

laure J
laure J
11 mois il y a

le problème de fond que pose cet article est non celui de l’antisémitisme intentionnel mais des préjugés antisémites enkystés dans le langage et que nous recyclons à notre insu. Or quand on est un des porte parole de la gauche antiraciste et antifasciste, on ne peut pas ignorer le problème. on peut d’autant moins l’ignorer dans une période où triomphent les idées de l’extrême droite. Au début j’ai trouvé cette vigilance pénible moi aussi, mais elle a sa pertinence

Dernière modification le 11 mois il y a par laure J
laure J
laure J
11 mois il y a
Répondre à  Racisme Social

c’est une enquête sérieuse et si la personne est sacrée, ses propos peuvent être discutés et analysés.c’est d’ailleurs le travail des journalistes de le faire, c’est le débat démocratique et intelllectuel