José Luis Villacañas dénonce la résurrection de l’éloge de l’impérialisme hispanique dans les Amériques, qui a tant détruit, de vies, de terres, de Beautés

José Luis Villacañas denuncia el negacionismo, el desplazamiento de la responsabilidad de la culpa y la imperiofilia de María Elvira Roca Barea y la derecha española en general sobre la conquista española de América y el Imperio español.

Médiapart vient de publier cet article : “Un débat sur la «légende noire» de l’empire illustre les doutes identitaires de l’Espagne“, de Ludovic Lamant. Voici un extrait de cet article : “

Dans les débats d’ordinaire si feutrés de l’université espagnole, le ton surprend. Un professeur de philosophie à la Complutense de Madrid a publié au printemps 2019 un texte cinglant qui prétend démonter, presque page par page, la thèse d’un essai d’histoire paru en 2016, devenu l’un des best-sellers de ces dernières années. Cet ouvrage fut loué, à sa sortie, par des gloires intellectuelles de l’Espagne, de l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa au socialiste catalan Josep Borrell, en passant par la cinéaste Isabel Coixet. Au cœur des désaccords : la notion d’empire et les réalités de la « conquête » dans les Amériques.

« L’une des raisons fondamentales pour lesquelles j’ai écrit ce livre est un sentiment de honte : personne dans ce pays n’a jugé nécessaire de répondre à cette auteure. Je ne peux accepter que ce livre soit devenu l’alpha et l’oméga du débat public espagnol sur ces questions », explique, dans un entretien à Mediapart, José Luis Villacañas, un philosophe qui a par ailleurs accompagné les débuts de Podemos, le mouvement de gauche anti-austérité, à partir de 2014.

Dans Imperiofilia (L’Amour de l’empire, 2019, Lengua de Trapo, non traduit), cet universitaire s’en prend au « populisme intellectuel réactionnaire » qui nourrirait Imperiofobia y leyenda negra (Haine de l’empire et légende noire, Siruela, non traduit), de María Elvira Roca Barea, un ouvrage déjà écoulé à plus de 100 000 exemplaires en Espagne. « Elle envoie des signaux pour dire que l’option impériale reste ouverte aujourd’hui, elle cherche à opposer les nations [européennes] les unes aux autres, engagées dans une nouvelle course impériale qui diviserait à jamais l’Europe, comme on l’a déjà vu avec le Brexit », écrit Villacañas.

Ce débat est d’autant plus sensible qu’il éclate l’année où Vox, un parti d’extrême droite nostalgique de bien des aspects du franquisme, a réalisé une entrée fracassante au cœur du Congrès des députés à Madrid (52 députés sur 350 aux élections législatives de novembre 2019). Mediapart a tenté de joindre María Elvira Roca Barea par son éditeur, en vain.

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À plusieurs reprises cette année, l’essayiste – qui se dit ni de droite ni de gauche, dans l’introduction de son livre, mais a signé, en 2015, une tribune avec une élue du parti libéral Ciudadanos sur la Catalogne – a fait savoir son refus de débattre avec Villacañas. « Il est hors de question que je m’abaisse à ce niveau. On lui donne de l’importance et il vit de cela. S’il s’arrêtait [de me critiquer – ndlr], il tomberait dans l’invisibilité », a-t-elle répondu au quotidien conservateur El Mundo qui l’interrogeait sur le texte de Villacañas.

Quelles sont les thèses en présence ? María Elvira Roca Barea, une spécialiste de géopolitique basée à Malaga, défend l’idée que la « légende noire » qui s’invente dans la seconde moitié du XVIe siècle à l’égard de l’Espagne – « l’opinion selon laquelle les Espagnols sont inférieurs aux autres Européens lorsque l’on retient des critères liés au degré de civilisation », selon elle – dissimule en fait une forme d’« hispanophobie », un « préjugé raciste tourné vers les puissants » qui non seulement serait infondé – parce que l’empire espagnol a apporté des bienfaits – et qui, par ailleurs, aurait perduré jusqu’à nos jours.

En documentant les guerres de propagande mises en place par des pays européens concurrents à l’époque de la conquête et après, elle écrit que, si tous les empires, de la Rome antique aux États-Unis d’aujourd’hui, suscitent de l’aversion, « la légende noire de l’Espagne est l’hallucination collective la plus importante de tout l’Occident ». Face à la responsabilité de l’Espagne dans l’extermination de populations amérindiennes, elle juge que les 300 ans de colonisation espagnole ont correspondu à une période globale de prospérité, sans révoltes ni à-coups majeurs – quitte à passer sous silence nombre de soulèvements de populations autochtones, du Pérou au Mexique.

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Elle s’en prend ainsi à un documentaire de la BBC britannique, pour avoir induit un lien entre l’Inquisition et les pratiques de l’Allemagne nazie. Roca Barea prolonge sa réflexion jusqu’à aujourd’hui, en s’indignant du mépris des pays protestants du nord de l’Europe à l’égard des pays du Sud, dont l’Espagne, lors de la crise de l’euro en 2008, y voyant une preuve de cette « légende noire » encore à l’œuvre.

L’année suivant la publication de ce texte, le journal Contexto a mis en ligne une première mise au point de l’universitaire Miguel Martínez, intitulée « L’empire de l’extrême centre ». Il dénonçait des erreurs factuelles, mais s’en prenait surtout à cette entreprise de réhabilitation de l’empire en tant que forme de gouvernement, perçu comme « un phénomène physique irrésistible, une détermination biologique ». Il s’inquiétait ainsi du succès d’un livre propice à fournir « des munitions idéologiques face au nationalisme le plus auto-complaisant et réactionnaire », alors que la crise catalane plongeait l’Espagne dans l’inconnu. Il y voyait la preuve d’un mouvement de raidissement de Ciudadanos, parti en théorie centriste, prônant des positions désormais extrémistes.

Avec Imperiofilia, le professeur de philosophie Villacañas poursuit cette critique, en la durcissant. Lui ne nie pas l’existence d’une « légende noire », mais la circonscrit dans le temps, ramenée à quelques décennies. Surtout, précise-t-il, « il ne suffit pas de réfuter la “légende noire” pour établir l’histoire ». « Continuer de considérer le protestantisme et l’Europe comme des ennemis de l’Espagne » aujourd’hui reviendrait même à plaider pour un rapprochement avec les États-Unis, dans la droite ligne de la politique de l’ancien chef de gouvernement José Maria Aznar (1996-2004).

Villacañas voit…”

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