Le scénario de l’élection présidentielle d’avril 2002 était « écrit » à l’avance, notamment par la co-contribution du pouvoir politique avec le pouvoir médiatique, qu’il faudrait désigner par le terme de pouvir polimédiatique. Aux citoyens, les écrans répétaient : les deux premiers seront… mais après ce duo décisif pour le second tour, puisqu’il oppose nécessairement les deux premiers, la liste exacte des suivant(e)s n’était pas établie. Si, d’un côté, il y eut la répétition de 2017, avec la troisième place pour Jean-Luc Mélenchon, l’ordre des suivants n’était pas annoncé par les « sondages » d’avant premier tour, ainsi que le pourcentage de votes en faveur du troisième. On a donc assisté à un système qui prédisait le second tour, tout en donnant une représentation du premier tour qui était largement inexacte. Le système français voulait avoir un face à face Macron/Le Pen, et il l’a eu. On comprend mieux pourquoi quelques semaines auparavant le représentant du MEDEF devisait tranquillement et avec « bonhomie » avec Jean-Luc Mélenchon dans une émission de télévision : le grand patronat n’était pas trop inquiet sur les résultats de l’élection présidentielle. Parce que ce grand patronat savait, sait, que, avec Le Pen, il pouvait dormir sur ses deux oreilles. Et il avait raison. Les dégoûtants savaient pouvoir compter sur les plus dégoûtés pour s’abstenir, encore et encore. Et cette loi politique s’est évidemment confirmée : aux élections législatives, c’est un électeur inscrit sur deux qui n’est pas allé voter. Alors que, à l’élection présidentielle, l’abstention a concerné un électeur sur 4. Le différentiel d’abstention, à un mois près, entre l’élection présidentielle et les élections législatives, démontre qu’une part significative de l’abstention repose sur un choix, une vraie volonté, alors que le système politique est fondé sur la centralité de l’Assemblée Nationale – ce qui prouve qu’une part importante de l’électorat ne semble pas connaître ce système et cette centralité, à la grande joie de la majorité présidentielle. Entre mai et juin, les médias n’ont pas contribué à cette « éducation civique ». Pire : certains ont explicitement permis la diffusion de discours/informations trompeurs, sur les pouvoirs de l’AN, les rapports entre l’AN et l’Assemblée. La 5ème République est, les 60 et quelques années écoulées étant édifiantes, fondée sur une Constitution toxique, antidémocratique, rendant possible l’existence et les actions d’un Président-Roi – une Constitution réclamée par une extrême-droite, alors que, en Algérie, la colonisation française maintenue imposait son lot de cadavres. Pour « sauver l’Algérie Française », l’extrême droite française exigeait sauveurs et sauvetages. De Gaulle profita de cette opportunité pour s’assurer de son soutien pendant qu’il lui assurait son soutien : une idylle qui dura jusqu’à ce que De Gaulle, devenu, de fait, président, comprenne que le maintien de l’Algérie française était impossible et se soit converti à la mise en oeuvre d’une « indépendance ». L’extrême droite revint à sa violence, et, ayant essayé d’assassiner De Gaulle, se condamna à une nouvelle marginalité. Mais bien des maux étaient faits. La Constitution anti-démocratique était adoptée. Et depuis, elle sévit. Malgré tout, elle ne donne pas tous les pouvoirs au Président. Mais la pratique élyséenne fondée dans la Constitution donne l’impression, fait croire, que le Président est tout, qu’il fait tout, et que toute la politique nationale en procède. C’est sur cela que des médias ont ouvertement et activement menti : en niant ou l’existence ou l’importance ou la légitimité même d’une « cohabitation ». S’est fait entendre cette chanson : « l’esprit de la Constitution », comme de l’histoire de la 5ème République, justifiait que le Président dispose d’une majorité à l’AN. Les Législatives étaient ainsi transformées en votes de confirmation : vous avez élu EM président, donc il doit avoir une majorité. Sauf que EM a été élu par une minorité : le vote anti-Macron était majoritaire au premier tour, et si au second tour, il a pu, une deuxième fois, devancer MLP, c’est notamment en raison du rejet de celle-ci. Entre l’abstention et les votes portés sur lui, en fait contre elle, il n’y avait pas une majorité qui lui soit favorable, mais les médias ont répété, répété, répété, cette erreur – ou ce mensonge. La médiocre (ou pas terrible, ou pas géniale) campagne de la nouvelle NUPES, une alliance de partis qui, avant le premier tour de l’élection présidentielle, n’avaient pas voulu faire l’unité, sous l’égide de Jean-Luc Mélenchon, candidat pour être premier ministre, est parvenue à faire élire près de 150 députés, mais en restant une force minoritaire à l’AN. Si tous les groupes, y compris LREM/Rnaissance sont minoritaires, le bloc de droite/extrême droite est majoritaire, et d’ailleurs, immédiatement, les élus LREM/Rnaissance l’ont compris et se sont tournés autant vers la droite LR que vers le RN FN – et ce sans la moindre gêne. De début juillet à débût août, le groupe présidentiel n’a eu de cesse de cajoler le RN FN, de le favoriser, en lui permettant d’obtenir des responsabilités dans l’AN (alors que, en Allemagne, les partis élus au Reichstag forment un cordon sanitaire contre l’AFD), et le RN FN a été très conciliant avec le groupe présidentiel, soit par des votes associés, soit en s’abstenant. Et il suffit d’entendre des membres et représentants du groupe présidentiel pour comprendre que leurs seuls adversaires/ennemis sont la NUPES ou membres de la NUPES, et nullement du côté du RN FN. Ce bloc libéral, néo, ultra, a donc permis au président réélu de confirmer, ses hommes (et femmes), ses orientations, ses pratiques, en les aggravant, par une dose plus élevée encore de mises en cause des citoyens réfractaires, engagés, qu’ils soient musulmans ou non.
Autrement dit : en l’espace de trois mois, la situation française n’a pas foncièrement changé, mais elle s’est nettement aggravée. Une nouvelle fois : démonstration est faite que les élections, fondées sur un système néo-censitaire, sur une Constitution superficielle, antidémocratique, ne sont pas LA solution, mais en plus, sont même un danger pour un pays. L’hypertrophie des pouvoirs, exécutifs et législatifs, couplée à un état de sous dotations du judiciaire (Justice), lui-même déterminé par de mauvaises lois ou des principes de droit obsolètes, contribue à une impunité, à priori, de fait, d’élus et de leurs principaux assistants, pendant que du côté des citoyens pauvres, les sanctions et les peines (de prison) pleuvent, y compris pour des infractions superficielles (un vol de nourriture). Addict à la puissance, les pouvoirs institués « agissent » frénétiquement, en confondant leurs désirs avec des objectifs publics dignes de ce nom. Mais concernant les vraies réformes du système français à penser et faire, ces agités se révèlent de sévères conservateurs qui refusent TOUTE REFORME. Le système électoral/politique est-il antidémocratique et obsolète ? Aucun changement. Le système fiscal qui est devenu une vaste plaisanterie, puisque, en proportion, il prend plus aux pauvres et modestes qu’il ne prend aux plus fortunés ? Aucun changement. Les victimes civiles d’une violence policière s’accumulent ? Aucun changement. Et pour cause : ce système leur donne tant de pouvoirs, de « train de vie », les protège, et ce dans la durée, et c’est ce qu’ils veulent. Ils n’accepteront jamais de le changer. C’est pourquoi la proposition de JLM d’une « convention pour une 6ème République », était si fondamentale : elle ouvrait la voie à des changements structurels, par une voie pacifique. Les dirigeants de ce système ont organisé son échec, par leur refus de ces changements.