Chouard : vous avez dit bizarre – et pourtant, les choses sont claires…

Sur le Média, nouvelle mouture, après la période et départ d’Aude Lancelin, désormais animé par Denis Robert, celui-ci a souhaité s’entretenir avec Etienne Chouard, notamment afin de traiter, spécifiquement, certaines questions, certains sujets, pour lesquels les propos, antérieurs, de Chouard ont été, pour beaucoup, ou incompréhensibles, ou incohérents, ou problématiques, voire tellement problématiques qu’ils l’ont désormais identifié à un penseur d’extrême-droite. Les constantes de Chouard sont claires : le constitutionnalisme-populaire, avec la volonté de reconstitutionnaliser la nation (démarche désormais reprise par des Gilets Jaunes), le dialogue civique sans exclusive ni exclusion, ce qu’il pratique désormais à la radio. Chouard n’est donc pas intéressé par les catégories politiques classiques, historiques, permanentes. Il parle avec tout le monde. Et parler avec tout le monde, tout le monde ne le fait pas – c’est, au contraire, très rare. Le ferions-nous ? Non. Mais faut-il juger celles et ceux qui font cela ? Chouard a une obsession : se faire entendre sur la réappropriation des principes fondamentaux de l’être-ensemble, et pour cela, il y sacrifie beaucoup. A t-il raison, et sur cette réappropriation, et sur le fait d’y sacrifier tant ? Cette seconde partie ne nous concerne pas : ce sont ses choix personnels. Concernant la réappropriation de l’être-ensemble via un processus, populaire, constituant, il ne faut pas oublier que ce que fait Chouard correspond à ce que Platon a préconisé, avec «Politeia» (De la Constitution, traduit par «La République»), et on ne peut pas rétorquer à Chouard que, puisque Platon l’a dit et fait pour son temps, il suffit de s’en tenir aux textes fondateurs de la première pensée philosophique pour. Socratique et platonicien, Chouard propose donc une cohérence, historique, politique, fondamentale. Or, il est fascinant de constater que sa nouvelle actualité, la diffusion de cet entretien avec Denis Robert et Mathias Enthoven, repose sur un problème socratique fondamental selon l’adage qui lui est trop simplement attribué, «je sais que je ne sais pas», et ce, à propos de l’un des plus grands crimes humains, d’humains contre d’autres humains, avec le génocide, la Shoah (par balles et par les chambres à gaz), les camps d’extermination nazis en Europe, de l’est. Chouard, interrogé à plusieurs reprises sur ce sujet, répond qu’il ne connaît pas bien le sujet. Cette phrase a été traduite par : il doute de l’existence des camps et des chambres à gaz. Pourtant, à l’écouter, il semble plutôt dire qu’il n’est pas un spécialiste de ce sujet. La réponse de Matthias Enthoven a, certes, du sens : mais il suffit d’avoir été à l’école, d’avoir écouté les spécialistes de, pour savoir, mais Chouard entend par ce savoir un autre savoir, un savoir personnel, acquis par un travail personnel, sur. Et dès lors, qui parmi celles et ceux qui disent savoir savent ? D’où tient-on qu’on le sait ? Parce qu’il y a des émissions médiatiques sur le sujet ? Il faudrait alors confondre diffusion de reportages par des médias et vérités incontestables, pour avoir une telle considération. Un certain nombre de mensonges, médiatiques, historiques, ont totalement grévé une telle certitude. Parce qu’il suffit que des savants le disent ? L’autorité savante a, également, du sens, son importance, immense, mais on sait, là aussi, que la traduction discursive d’un savoir scientifique peut introduire des biais, des tropismes, et des faussetés – mais un relativisme généralisé à partir d’un tel constat n’est pas acceptable, puisque cela reviendrait à généraliser cette imperfection. A propos de ce qu’écrivait et disait Faurisson, cette publication a déjà donné une perspective : les preuves matérielles du projet et de la réalisation d’un génocide/populicide nazi contre, les Juifs européens, les Tziganes, les homosexuels, les opposants politiques, les communistes, les anarchistes, sont réelles, mais inférieures à une autre preuve, fondamentale, les milliers/millions de témoignages, et des survivants, et des «témoins» (personnes non menacées), et des Nazis eux-mêmes. On le sait : ces témoignages existent. Ils sont parfois diffusés, ici ou là. Malgré tout, ces témoignages sont, rarement, diffusés, et donc, nécessairement, peu entendus. Et derrière ces criminels et ces crimes, d’autres crimes antérieurs, qui ont même pu servir de modèles au projet nazi, ne sont pas médiatisés, ou si peu : le génocide des Amerindiens, de l’Amérique du Sud au Nord, entre 1492 et la fin du 19ème siècle, n’est pas, EN TANT QUE TEL, cité, discuté, démontré, et les Native People, vivants, survivants, n’ont pas, jamais, ici, la parole ; le génocide des Africains, via un esclavage industriel, est, lui, plus souvent, cité, discuté, mais celles et ceux qui portent cette mémoire sont souvent mis en cause. Des éditocrates, «intellectuels», qui identifient toute mémoire de, avec une logique de repentance, qu’ils récusent, ont, eux, partout et tout le temps, la parole. Le propos de Chouard, pourtant irrigué par une connaissance de la pensée politique européenne, est totalement fixé sur le présent, et ne met pas en perspective ce rapport entre Europe et crimes. Sa réponse à Robert/Enthoven est donc parfaitement «sincère» : cette archéo-logie, d’une communauté fondée sur des crimes, il n’y pense pas, ne la fait, ne la travaille pas, parce qu’il est entièrement focalisé sur un présent/absent, les principes constitutionnels décidés, sans la volonté populaire ou avec la volonté populaire. Et c’est pourquoi il peut dire que, dans un processus constituant, celles et ceux qui en parleraient pourraient décider de rétablir la peine de mort, puisqu’il soumet tout à cette volonté, sans qu’il y ait des principes universels au-dessus de ces principes constitutionnels. Là encore, il fait l’impasse sur l’Histoire, alors que la peine de mort a été, dans l’Histoire, une arme anti-populaire (à lire, parmi d’autres, «Les pendus de Londres»), une action criminelle de plus, avec, notamment, l’assassinat d’innocents condamnés comme des coupables, et, à l’égard de vrais criminels, une «libération», alors qu’une peine d’emprisonnement à vie est autrement plus problématique pour ceux-ci (cf le cas de Zacarias Moussaoui, emprisonné à «Super Max» alors qu’il voulait absolument subir la peine de mort pour le 11/09/01). Il y a quelque chose auquel de moins en moins d’humains de notre Temps semblent être tolérants : l’imperfection des autres – quand les mêmes s’auto-pardonnent beaucoup. Chouard est un citoyen/intellectuel dont une analyse sociale et politique est fondamentale, et qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a rien écrit. Il est tout entier sur ce dialogue, et rien que ce dialogue. Que cela soit sur la Shoah, comme sur la physique des particules, Chouard n’est pas un intellectuel omni-spécialiste, encyclopédiste. Il faudrait qu’il comprenne que ses positions sont insuffisantes, qu’il doit continuer à travailler. Il a donc décidé, après cette émission et les polémiques qui ont suivi, de s’exprimer clairement :
http://chouard.org/blog/2019/06/12/etienne-chouard-je-ne-suis-evidemment-pas-negationniste-ni-antisemite-les-chambres-a-gaz-sont-une-horreur-absolue-qui-ont-tue-des-foules-dinnocents-les-mensonges-de- faurisson-devraient-etre-m/

PS : la comparaison avec Socrate/Platon ne peut pas être caricaturée. Chouard n’est ni Socrate ni Platon. Du premier, il prolonge la double attitude de dialogue civique avec toutes et tous, de sa démarche interrogative et constructive, et du second, il prolonge la compréhension de l’importance des principes collectifs, constitués. Mais du premier comme du second, il n’a pas l’ambition ni du connais toi toi-même, ni de la construction d’une théorie et d’une pratique, sociales, politiques, capables de changer le monde, l’avenir.

Concernant Soral, au début de l’émission, le Média rappelle une déclaration de Chouard, où il lui attribue des positivités en raison d’objets ou d’intentions critiques, alors que ces mêmes objets et intentions sont portés par d’autres, lesquels sont à l’opposé des principes et principales thèses de Soral. Et de ceux-là, il n’a pas dit la même chose : “ils dénoncent la main-mise de la banque sur les médias, du côté va t-en guerre des médias, etc, ils expliquent que le sionisme est un projet colonial, raciste, …” Or l’immense différence entre ceux-ci et Soral, c’est que ces antisionistes ne sont pas antisémites.

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