Concernant les Etats-Unis, nombre de citoyens dans le monde, qu’ils soient, ou prétendent être, des « experts », ou qu’ils soient des citoyens engagés, usent d’une formule qui, avec les évènements actuels en Ukraine et Russie, a retrouvé une vie (bien qu’elle n’ait jamais disparu), à savoir « l’impérialisme ». Pour la pensée philosophique, il est indispensable de ne rien tenir pour acquis, et « l’évidence » de « l’impérialisme » doit être interrogée, discutée. Pour qu’un pays-Etat puisse être associé (et, en général, accusé de) à cette notion, « l’impérialisme », il faut qu’il se projette hors de ses frontières, et d’une manière suffisamment significative pour que ce qui se passe en dehors de ses frontières en soit atteint. Le terme est utilisée, pour « l’impérialisme américain », « l’impérialisme japonais », « l’impérialisme français », c’est-à-dire pour des pays-Etats qui ont eu des projections extérieures diverses mais déterminantes. Diverses, puisque, officiellement, les Etats-Unis n’ont jamais eu de « colonies », à la différence de la France, de l’Angleterre, des Pays-Bas, de la Belgique, de l’Allemagne, mais il faut y regarder de près, là aussi, dans cette notion de « colonisation », pour constater qu’il y a une diversité de formes, et que nombre de pays actuels s’apparentent à des colonies américaines (il faudra y revenir). Pour bien comprendre que certains ont institué les possibilités et les (leurs) nécessités de « l’impérialisme », il faut prendre en compte la négation même de ce projet impérial, avec les pays-Etats non impérialistes, sans projection à l’extérieur de leurs frontières. Parce que ces pays-Etats sont les plus nombreux – comme aujourd’hui sont aussi les plus nombreux les pays-Etats qui ne possèdent pas l’arme nucléaire. Pour les habitants et les dirigeants de ces pays-Etats, il ne va pas de soi de se projeter à l’extérieur de ces frontières, et ils ne le font. Rien dans leur politique générale ne prévoit le sens, les conditions et les moyens, de cette projection. Comme les autres pays-Etats, ils ont un budget, et des parties de leur budget sont dédiées à des administrations, comme l’Education, l’Agriculture, la Culture, mais ils ne consacrent pas une part conséquente de leur budget à la production militaire, notamment avec des capacités « de projection », comme disent les militaires européens. Pourquoi se privent-ils de tels projets ? C’est que, avoir de tels projets, au-delà de leurs frontières, les… « dépasse ». Ils pensent radicalement leur légitimité dans le cadre même de leurs frontières. Ils s’auto-limitent, comme des personnes conscientes que de ne pas se fixer de limites amène nécessairement à des conflits avec ses voisins, qui, à priori, sont plutôt destinés à être des amis. Et, bien qu’ils aient connaissance du fait que, au-delà de leurs frontières, il y a des matières-avoirs-biens qui ont des valeurs, importantes, ils ne pensent pas qu’ils aient le droit de se les procurer par la force ou par la ruse. A l’inverse, certains pays-Etats ont des investissements spécifiques afin de se projeter, par des moyens et des plans. Qu’ils aient de tels moyens et plans, ne va pas de soi, ni par comparaison avec ceux qui n’en ont pas, ni de leur propre part. Il faut donc se demander non seulement pourquoi certains pays-Etats ont/SONT de telles projections, mais aussi QUI ils sont, pour en être venus à ces projets. Or, « l’impérialisme » est une pathologie européenne/occidentale, sachant que les Etats-Unis sont la plus grande et la plus puissante colonie européenne. La « pax romana » en a été la première, la plus longue, la plus effective, expression, démonstration. Après l’effondrement de l’empire romain, l’Eglise catholique en a pris le relais et a reproduit la logique « impériale », par le contrôle des consciences – un contrôle beaucoup plus efficace que celui, politique, fondé sur la force, la violence. Un « impérialisme » si « doux » que nul ne parle d’un « impérialisme catholique » ou « chrétien », alors qu’il est tout à fait pertinent de le constater et d’en tirer les conséquences qui s’imposent. Il est plus habile de s’habiller de blanc et de prétendre incarner des anges diaphanes passant leur temps dans « l’amour du Bien », plutôt que d’arborer des mines patibulaires, dans des tenues de Robocop. Entrer dans le détail de ces impérialismes, comme de ceux qui le suivront (anglais, français, etc), imposerait la production d’une trop longue note. D’autant que celle-ci est consacrée à la compréhension de ce qui se démontre dans le système politique américain, actuel. Le fait de différencier Etats-Unis et « colonies », par comparaison avec les pays/Etats européens qui se sont appropriés des terres, des peuples, des richesses, entre la Renaissance et le 20ème siècle, est une erreur, dans la mesure où les Etats-Unis sont, eux-mêmes, une colonie européenne, fondée principalement par des anglophones et des germanophones, et parce que, avec le capitalisme dont les Etats-Unis sont devenus le principal agent, acteur, publicitaire et bénéficiaire, les Etats-Unis se sont dotés de colonies d’un nouveau genre : des colonies « autonomes », mais entièrement contrôlées, par les principes économiques, par la présence des entreprises américaines, par l’omniprésence du « soft power culturel » (associant Hollywood aux GAFA, notamment les entreprises de « réseaux sociaux »), par la présence de militaires américains avec leurs bases propres et celles de l’OTAN. De ce point de vue, « l’impérialisme américain » semble faire la synthèse de l’impérialisme européen, politico-économique, ET de l’impérialisme catholique-chrétien, par le contrôle, doctrinal et inquisitorial, des consciences, de la pensée. Or, contrairement à ce que prétendent des cabris qui, pour paraphraser le Général de Gaulle, sautent sur leur chaise en répétant « l’universalité », « l’universalité », ces « projectionnistes » d’un mauvais film s’appuient sur des prétentions « universelles » : il ne s’agit pas de penser et d’agir pour une aire nationale et politique donnée, mais pour « l’humanité », « le genre humain », « l’universalité ». C’est ce qui fait que beaucoup ont une difficulté à comprendre comment s’articule une République, américaine, en principe, non liée à un culte religieux en particulier, avec ces cultes eux-mêmes, parce que les « archontes » de la politique américaine sont des « théologiens », pour qui les Etats-Unis sont intimement liés à « Dieu », nom chrétien du Bien. Il ne faut pas oublier que les Etats-Unis sont tout à la fois archi-déterminés par le protestantisme et par le catholicisme, et que le protestantisme a autorisé ses « clercs » à être mariés. Les dirigeants américains sont donc des hommes, d’affaires, en costard-cravate, mariés, MAIS ils vivent, agissent, pensent, en tant que des théologiens, animés par une « foi ». Ils connaissent, le vrai, le beau, le bien : LE vrai, LE beau, LE bien; le VRAI, le BEAU, le BIEN. Mais si ces principes des principes, selon la pensée platonicienne, sont structurels, il y a une différence entre prétendre connaître, le, vrai, beau, bien, et connaître vraiment : il faut pouvoir le dé-montrer. Or ce que démontre, au contraire, la vie, sociale, politique, américaine, c’est que ces théologiens, notamment protestants, pour qui la réussite économique, financière, DOIT avoir lieu parce qu’elle « démontre » que l’on est un « élu de Dieu », ont ainsi une croyance chevillée au corps, parfaite pour le « libéralisme » mais nullement sensée, aux effets problématiques. Si cette « croyance » était limitée à ce qui advient entre les frontières américaines et nullement au-delà, ces effets problématiques pourraient, à priori, être limitées, mais un prosélytisme américain a considéré que ce qui vaut pour les américains DOIT valoir pour tous les habitants de cette planète, et qu’ils doivent donc agir au niveau mondial pour rendre possible une « américanisation du monde ». Mais chacun aura compris que le « sens du Bien » asséné à coup de bombes ou de coups d’Etat n’est pas, philosophiquement comme politiquement, probant. Si cet « impérialisme » est si puissant, c’est que ses doctes promoteurs ont la FOI, qu’ils sacrifient à un culte avec ses rites, et qu’il s’appuie désormais sur des moyens de surveillance et de contrôle des consciences, notamment par l’intermédiaire des « agents culturels », par des millions de pages enregistrées sur Internet où les affirmations de la propagande théologico-politico-économique sont disponibles, reproduites, clonées. Par exemple, l’Histoire des pays/Etats/individus qui ont été (ou qui ont été considérés) comme des « ennemis » du « pays du Bien-de Dieu », y est entièrement sous influence, leur influence, et les êtres humains n’ont plus accès qu’à des produits frelatés.
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