Gilets Jaunes : who’s who and why ? Un témoignage sur ce que sont les Gilets Jaunes, les significations du mouvement, par Rudy Terrerouge

J’ai passé l’après-midi avec les gilets jaunes, seul, sans camarade. J’étais dans un groupe qui est parti de Concorde. Nous sommes allés à Bastille puis Gare de Lyon et enfin Bercy. J’ai vécu une après-midi extrêmement riche et intéressante. Très honnêtement à Concorde, je ne me sentais pas du tout à l’aise. Qui parmi les gilets jaunes étaient d’extrême droite ? Qui parmi eux étaient des camarades ? Qui étaient des gens non militants ? Je pense qu’à ce moment il y avait des fachos. Puis ensuite de Concorde à Bercy en passant par Bastille, les gilets jaunes étaient pour beaucoup des gens qui n’avaient jamais manifesté. J’ai beaucoup discuté avec les gens. Les manifestants étaient beaucoup plus populaires que dans nos manifs habituelles.
“ET D’AILLEURS”. Je vais pas vous mentir, j’ai entendu des horreurs dans cette manif. J’ai eu le droit au complot d’Israël, aux migrants mieux considérés, au moteur à eau, etc. Mais tous ces propos ne sont en réalité que des anecdotes multiples, diverses, variées et contradictoires qui expriment la même chose : un profond sentiment d’injustice, une conscience réelle du fait d’être écrasé par les plus riches. La formule “et d’ailleurs” résume parfaitement la qualité de la conscience de classe de ces manifestants.
“Et d’ailleurs Carlos Ghosn s’en est mis plein les poches”
“Et d’ailleurs Macron il prend de la coke”
“Et d’ailleurs l’ISF”
“Et d’ailleurs la CSG”
“Et d’ailleurs mon fils a son bac mais il trouve pas de boulot”
“Et d’ailleurs on m’a enlevé mes enfants parce que soit disant j’étais dépressive”
“Et d’ailleurs il parait que”
Etc… Les “et d’ailleurs” se multiplient marquant à chaque fois une négativité radicale.
Les “et d’ailleurs” sont très souvent contradictoires. Ils peuvent être racistes. Mais le racisme n’est que secondaire. Il est de l’ordre du rajout. C’est un “et d’ailleurs” supplémentaire. La colonne vertébrale de ces “et d’ailleurs”, c’est une conscience sociale “haut” vs”bas”.Cette conscience “haut” vs “bas” a un potentiel révolutionnaire de malade. D’ailleurs les gilets jaunes un peu grisonnant avec qui j’ai discuté faisaient souvent référence à la révolution française. Une dame qui ne gagne pas 1000 euros par mois ne cessait de répéter : “je la connais moi mon histoire de France.” Un autre homme “blanqui, c’est un homme comme lui qu’il nous manque”. Quand on est passé à Bastille d’autres personnes de dire :”la Bastille c’est tout un symbole”. Au passage à Bastille, comme on allait se faire charger, se posait la question de notre prochain point de ralliement. Certaines personnes ont proposé “République”. Le soucis c’est que c’était le lieu de la manifestation féministe”. Il était hors de question de la parasiter. On a fait une AG improvisé. J’ai expliqué mon point de vue, pourquoi on ne devait pas aller à République et j’ai été écouté. Progressivement des gens de gauche nous on rejoint. J’ai vu des cheminots. J’ai parlé syndicat avec les gilets jaunes qui manifestaient pour la première fois. Les plus jeunes sont hostiles aux syndicats parce qu’ils assimilent les syndicats au pouvoir, aux privilèges. Les plus vieux ne sont pas hostiles aux syndicats d’avant. “Avant oui, les syndicats servaient à quelque chose. Ah oui et il y avait des vrais orateurs”. “Avant mais maintenant c’est magouille et compagnie”.
Ne me dites pas qu’ils n’ont pas en partie raison ? Bref notre place est bien dans cette mobilisation.


Propos publié par son auteur sur Facebook, et republié ici avec son autorisation

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