En rugby, on apprend aux défenseurs, qui doivent plaquer leurs adversaires (les faire tomber au sol), de bien regarder les jambes de ceux-ci, et pas les mouvements des bras et des mains : les jambes ne mentent jamais, les bras et les mains peuvent vouloir faire croire à autre chose, une autre direction.
De Glucksmann, il y a : Glucksmann, selon Glucksmann, et son empilement d’étiquettes, pour se caractériser (« je suis un démocrate de combat », blabla), et il y a SES ACTES, ceux de ses proches, de « Place Publique », ceux du PS, tant au sein de l’UE (parlement) qu’en France. La droite, officielle, tient des discours de droite, et mène des politiques de droite : le candidat Sarkozy avait annoncé son programme, et, élu, il a réalisé la plus grande partie de son programme. Mais le PS, lui, a tenu des discours de campagne, « à gauche », pour mener une politique de droite, et le quinquennat de François Hollande fut le pire de ce point de vue, en allant bien plus loin que ne le firent les gouvernements Lionel Jospin, entre 1997 et 2002. Un PS qui, déjà, en 2002, a facilité/favorisé la montée en puissance de l’extrême extrême droite, le FN, même si la droite, cynique, y a tout autant contribué. Mais si tout ne fut pas dramatique pendant la mandature Jospin, 90/95% de la politique de François Hollande le fut. De 1981/1983 à 2012/2017, le principe du PS, qu’il est impossible de qualifier de « socialiste » fut : je tiens des discours de campagne, je contredis ces discours par ma politique. Dans un article récent, une journaliste de Médiapart (Pauline Graulle) a dû prendre acte que, derrière Glucksmann, c’est même la partie la plus droitière, réactionnaire, du PS, qui est candidate :
« Attention, un candidat peut en cacher d’autres. Déjà critiquée en interne pour son manque de représentativité sociale, la liste emmenée par Raphaël Glucksmann (Place Publique) aux européennes, officiellement publiée ce samedi par le ministère de l’intérieur, en dit long sur les contradictions idéologiques au sein du parti à la rose, qui tente d’afficher, depuis quelques années, une rupture claire avec les années Hollande. Bon nombre de place éligibles (une quinzaine) ont ainsi été confiées à des profils bien loin de la promesse de renouvellement incarnée par l’eurodéputé sortant. (…) grâce à son « poids » (…) la présidente du conseil régional d’Occitanie a imposé, à la 12e place, Claire Fita, sa vice-présidente à la culture à la région. Fille d’un maire PS local, biberonnée à la « gauche cassoulet » en vigueur dans le Sud-Ouest, cette ancienne vallsiste défend avec le même acharnement que son mentor la construction de l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse. (…) Après une âpre bataille interne, Anne Hidalgo a quant à elle réussi à hisser son mari, Jean-Marc Germain, à la 7e place, lui assurant de fait une élection dans un fauteuil. Relativement discret, ce polytechnicien n’en est pas moins un pur apparatchik du PS, où il est entré il y a une trentaine d’années pour y réaliser une carrière à l’ombre de Martine Aubry, puis de sa propre épouse, qu’il a conseillée avec l’insuccès que l’on sait (…) Mais c’est sans conteste la candidature de François Kalfon, devenu en quelques semaines la tête de Turc des concurrents insoumis sur les réseaux sociaux, qui semble le plus dépareiller avec le « style » politique d’une Aurore Lalucq ou d’un Raphaël Glucksmann. Résolument opposé à la Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale) – comment s’associer à un parti ayant dans ses rangs Taha Bouhafs ?, avait-il argué au moment de la conclusion de l’accord –, cet ex-chevènementiste a écumé, comme collaborateur, les cabinets ministériels et municipaux, passant par à peu près tout ce que la rue de Solférino comptait de chapelles. Cofondateur du courant « Gauche populaire » avec, entre autres, le fondateur du Printemps républicain Laurent Bouvet, puis membre du premier cercle de Dominique Strauss-Kahn pour la présidentielle de 2012, François Kalfon, qui fut le conjoint de la communicante d’EuroRSCG Anne Hommel, réalisera par la suite un virage sur l’aile en se faisant nommer directeur de campagne d’Arnaud Montebourg en 2016. En 2018, il rejoint la motion « arc-en-ciel » de Luc Carvounas au congrès d’Aubervilliers après avoir soutenu Benoît Hamon à la présidentielle. Accumulant les échecs électoraux, comme sa défaite aux municipales à Melun (Seine-et-Marne) en 2014, il ne parviendra jamais à être élu sur son nom, obtenant, par les bonnes grâces de Claude Bartolone, une place tout en haut de la liste aux régionales de 2015 en Île-de-France. (…) Celui qui a longtemps eu son rond de serviette sur CNews – il jure à Mediapart n’avoir « jamais touché un euro »pour ses prestations – est rapidement devenu le bon client « toutologue » sur les plateaux télé, devisant, jusqu’à très récemment, avec Eugénie Bastié ou Mathieu Bock-Cotté sur « l’écoterrorisme » ou la « récession sexuelle ». (…) « Raphaël Glucksmann a pris une densité très forte », jure aujourd’hui François Kalfon, qui estime que « si on est de gauche et un peu écolo, cette candidature “attrape-tout”, au bon sens du terme, [leur] permettra de battre Valérie Hayer ».
Mais le pire de toute cette liste reste Glucksmann : des collectifs publics, des médias citoyens, ont publié des articles sérieux, factuels, sur le parcours de cette énième escroquerie du centre-droit, comme ici.
« Né le 15 octobre 1979, Raphaël Glucksmann est un essayiste, réalisateur de documentaires et homme politique issu d’une famille intellectuellement influente : son père est le philosophe néolibéral André Gluckmann » (lequel a publié des livres, dit, « de Philosophie », mais n’a jamais démontré par un texte sérieux qu’il fut un philosophe, et il n’est étudié nulle part). Ce dernier appartient au courant des « nouveaux philosophes », très virulents contre l’Union soviétique, et est un proche de Bernard Henry-Lévy. Après des études au lycée Henri IV puis à Sciences Po Paris, Raphaël Glucksmann imite « BHL » en traitant de divers conflits (Tchétchénie, Géorgie, génocide rwandais) sous un prisme humanitaire, ce qui lui permet d’obtenir une notoriété médiatique. (…) « Ce qui m’a toujours plu chez Bernard, comme chez mon père d’ailleurs, c’est ce refus chevillé au corps de confondre objectivité et neutralité ». Engagé dans un pouvoir politique étatique, il l’a déjà été en Géorgie : « De 2005 à 2012, Raphaël Glucksmann conseille le président géorgien Mikheil Saakachvili qui abolit le salaire minimum, licencie 60 000 fonctionnaires et abaisse l’impôt sur les dividendes à 5 %. Comme « BHL », son engagement est résolument pro-occidental : il soutient dès 2004 la révolution orange en Ukraine, réalisant divers documentaires sur les thématiques lui tenant à cœur. Avec un intérêt particulier pour l’ex-URSS. Sa compagne durant le début des années 2010 n’est autre qu’Eka Zgouladze, vice-ministre de l’Intérieur de Géorgie. En décembre 2014 elle est propulsée à la même fonction… en Ukraine. Naturalisée citoyenne ukrainienne par le chef d’État Petro Porochenko suite à la « révolution » Maïdan, elle obtient ce poste quelques jours plus tard tard. Il est vrai que Raphaël Glucksmann est à cette période conseiller de l’autoritaire et ultra-libéral président géorgien, Mikheil Saakachvili, qui s’exilera lui aussi en Ukraine pour échapper à des procès après la fin de son règne. Ukraine et Géorgie avaient alors pour point commun d’être en conflit avec la Russie, et en voie de rapprochement avec les États-Unis. » Or, « Cet épisode est opportunément omis de la plupart des portraits médiatiques de Raphaël Glucksmann. (…) Après ce séjour en ex-URSS, Glucksmann revient en France et officie comme chroniqueur sur France Info et France Inter. Par la suite, il tente de convertir sa relative popularité dans l’intelligentsia libérale en capital politique. En novembre 2018, il cofonde le parti Place Publique en vue des élections européennes. (…) Aux européennes de mai 2019, Place Publique, alliée avec le Parti socialiste, Nouvelle Donne et le Parti radical de gauche, parvient à faire élire Raphaël Glucksmann comme député européen, en réunissant 6,19 % des voix dans un scrutin boudé par un électeur sur deux. Alors que la France est alors marquée par le mouvement des Gilets jaunes, l’horizon européiste et élitiste représenté par cette liste ne rencontre guère de succès. Rien de surprenant là-dedans : comme le rappelle Pierre Rimbert dans un article intitulé « Un autre Macron est possible » pour Le Monde Diplomatique, Raphaël Glucksmann ne se signale pas particulièrement par sa fibre sociale. L’opposition aux réformes austéritaires du quinquennat Hollande le laisse de marbre. (…) Raphaël Glucksmann appartient au groupe d’Eva Kaili, ancienne vice-présidente du Parlement européen, arrêtée par la justice belge et accusée de corruption par le Qatar. Ce pays n’est mentionné que trois fois dans le rapport co-signé par Glucksmann sur les « ingérences étrangères » – contre soixante-six pour la Russie. ». Mais ce qui démontre le mieux sa forfaiture, c’est « un droit des peuples à géométrie variable » : Ce combat contre les autocraties et les régimes illibéraux, Glucksmann en a fait sa marque de fabrique. Mais au-delà de l’image, qu’en est-il réellement ? À peine élu eurodéputé, il demande la création d’une « Commission spéciale sur l’ingérence étrangère et la désinformation », dont il devient le président. Il en synthétise les conclusions un énième livre intitulé La grande confrontation. Comment Poutine fait la guerre à nos démocraties. Raphaël Glucksmann ne mâche effectivement pas ses mots pour flétrir l’ennemi russe, qui opprime ses amis géorgiens ou ukrainiens. Ardent partisan de l’aide militaire à l’Ukraine, Glucksmann fait d’ailleurs de l’intégration de cette dernière dans l’OTAN et l’Union européenne une priorité absolue, quel qu’en soit le prix économique. Cette Commission spéciale reste pourtant étrangement timide quant aux ingérences venues de l’Ouest. Quid, par exemple, du travail d’espionnage commercial et diplomatique mené en Europe par les États-Unis ? Les foudres de Raphaël Glucksmann s’abattent uniquement sur les adversaires du bloc occidental. Ses alliés bénéficient d’une singulière mansuétude. Qu’il s’agisse de l’Arabie Saoudite, des pays d’Europe de l’Est opposés à la Russie, de la Turquie ou du Qatar. (…) Plus récemment, la question de la guerre à Gaza lui a valu de nombreuses critiques parmi une jeunesse de gauche sensible au droit des peuples, qui découvrait soudain l’hémiplégie morale de l’eurodéputé. La députée LFI Alma Dufour et la juriste franco-palestinienne Rima Mobarak listent ainsi ses votes au parlement européen, en opposition à toute condamnation sérieuse d’une opération militaire israélienne ayant déjà conduit à plusieurs dizaines de milliers de victimes civiles. »