« Le Satyricon » : une jeunesse romaine abandonnée à des riches libidineux, esclavagistes de leurs « frères », les plus pauvres…

« Le Satyricon », est un titre qui unit des parties, une « collection de fragments », liés les uns aux autres par des personnages. L’auteur du texte aurait vécu au premier siècle de l’ère chrétienne. Son identité réelle est hypothétique. En latin, le titre fait référence au mélange, et une définition de « satura » précise « un potpourri envisagé dans l’orbe baroque de l’accumulation sans discrimination, et qui épouse la démarche de la bifurcation, de la digression, du changement de sujets alternés avec ivresse. ». Si le titre et le récit associent, de fait, des personnages à la situation sociale, économique, radicalement différente, entre des jeunes, « sans », domicile, argent, et des Romains riches, par exemple, à l’occasion d’un banquet, festin (chez Trimalcion), le récit expose l’ivresse d’un système social, politique, qui n’hésite pas à enrichir, jusqu’à l’infini, des individus, pendant qu’il impose à d’autres, et notamment des jeunes, le dénuement, total, en les destinant à être des jouets sexuels de ces individus riches. Littéralement, ces jeunes sont des « prolétaires », plus prolétaires encore que les prolétaires, puisqu’ils paraissent destinés à ne jamais devenir parents (« citoyen romain pauvre qui ne compte aux yeux de l’État que par ses enfants », « ceux qui formaient la sixième et dernière dernière classe du peuple, et qui, étant très pauvres, étaient exempts d’impôts, n’étaient utiles à la république que par les enfants qu’ils engendraient »). En somme, l’Empire romain a étendu les classes romaines, avec une classe supplémentaire, pas identifiée comme telle, les prolétaires absolus. Les relations érotiques entre ces jeunes hommes, hommes, signifient qu’ils sont « stériles », qu’ils ne peuvent pas devenir époux et pères, parce qu’ils n’ont pas de biens, autres, que leur corps. Or cette situation, « moralement » choquante au regard de la morale romaine classique, ne choque pas les riches et les dirigeants romains, qui se sont habitués à pouvoir disposer de ces esclaves sexuels. Si l’esclavagisme était, dans cette Antiquité, valorisée, dès lors qu’il consistait à imposer à des êtres humains, étrangers à la communauté, une vie de services/sévices, cet esclavagisme sexuel est imposé par des Romains, associés à des étrangers (comme Trimalcion, syrien ploutocrate), à d’autres Romains. L’auteur acte la fin/négation de toute politique digne de ce nom, du sens de l’appartenance à une même communauté historique, culturelle, cultuelle, « Rome ». Si l’ultime lien est « érotique », il s’agit d’un lien fugace, aveugle…

Ci-dessous, à lire le « Les jeunes gens dans le Satyricon : violence et perte de repères », par Johana Grimaud, publié par « Camenulae », n°4 (2010).

A lire également, le « La polyphonie langagière dans le Satiricon de Pétrone : un reflet de la diversité linguistique et culturelle du monde romain ? » de Frédérique Biville

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