Les « chômeurs/profiteurs », mieux payés à ne pas travailler plutôt qu’à travailler ? Un bobard qui fait pschittt, construit sur la base d’une manipulation

Vous trouvez ci-dessous un extrait de l’article de Dan Israël, consacré à ce sujet et dont le titre est : « Chômeurs trop indemnisés : l’arnaque intellectuelle du gouvernement » :

 » Sous pression, Pôle emploi, qui est à l’origine du fameux chiffre du gouvernement, et qui l’avait déjà expliqué à l’oral à certains syndicalistes et à des journalistes (comme ceux des Échos ou d’Alternatives économiques), a finalement publié ce vendredi la notedétaillant son calcul. (…)

Et ce document dévoile une sacrée entourloupe statistique. Il démontre que le gouvernement a cherché coûte que coûte un symbole pour justifier sa future réforme, au mépris de la vraisemblance. Et n’en déplaise aux Échosqui affirment qu’il est « difficile de voir un loup dans le chiffre avancé par Muriel Pénicaud ».

Car pour aboutir à son résultat, Pôle emploi a fait baisser artificiellement les salaires pris en compte, en comparant des statistiques qui n’ont en fait rien à voir. D’abord, l’organisme a fait la moyenne mensuelle des salaires touchés durant tous les mois où un salarié a travaillé au moins pendant un jour. Peu importe que durant chacun de ces mois, il ait travaillé une seule journée ou 20 jours, et qu’il ait touché 100 euros ou 1 500 euros.

Cette base de calcul a ensuite été comparée au montant de l’allocation chômage versée au demandeur d’emploi pendant un mois complet. Et c’est cette comparaison qui a permis de conclure que 20 % des chômeurs sont mieux indemnisés par Pôle emploi qu’ils n’étaient payés lorsqu’ils travaillaient.

Mais il y a un hic, et de taille : les deux périodes comparées ne sont en fait pas les mêmes ! Car l’indemnité chômage est versée sur une durée égale au nombre de semaines travaillées (une fois que 4 mois de travail au moins ont été cumulés). Que ce nombre de semaines réellement travaillées soit étalé sur une période totale de 6 mois ou d’un an n’y change rien : si tout mis bout à bout, le salarié a réellement travaillé l’équivalent de 4 mois, soit 88 jours, il ne sera payé par Pôle emploi que pendant 4 mois, et pas pendant 6 mois ou un an.

Mettre côte à côte un salaire moyen touché pendant 6 ou 12 mois et le montant d’une allocation mensuelle versée pendant 4 mois seulement est une aberration. Pour que le calcul ait un sens, il faudrait en fait comparer la moyenne de revenus touchés uniquement pendant les jours réellement travaillés à l’indemnisation versée par Pôle emploi.

Ou bien, si comme Pôle emploi, on souhaite utiliser la moyenne mensuelle des salaires touchés pendant les six ou les douze mois où le salarié a travaillé au moins pendant un jour, alors il faut aussi établir la moyenne mensuelle du montant des allocations versées par Pôle emploi pendant les six ou douze mois suivants.

Autrement dit, si un salarié n’a travaillé que 88 jours sur une période de 12 mois pleins, il ne faut pas intégrer au calcul seulement les 4 mois où il a touché une allocation chômage, mais comptabiliser également les 8 mois suivants durant lesquels il n’a rien touché. Les résultats, on s’en doute, sont alors bien différents du chiffre gouvernemental.

(…) Le gouvernement a donc joué sur une illusion statistique. « Le chiffre était faux »conclut lui aussi sur son blog hébergé par Mediapart, le sociologue spécialisé dans les politiques de l’emploi Mathieu Grégoire. Il dénonce « un artefact statistique » et « une manipulation assez troublante « des chiffres ». « 

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