« Depuis plusieurs années, Michel Onfray semble croire que les communistes ont longtemps collaboré avec les nazis. Ses idées viennent indéniablement abreuver l’argumentaire de plusieurs sites et blogs politiques qui se revendiquent ouvertement anticommunistes. Pour ces derniers, Michel Onfray est une aubaine, car cet homme de par son statut de philosophe médiatisé, a l’avantage d’apporter l’indispensable caution intellectuelle à l’entreprise réactionnaire.
Simultanément, le pouvoir actuel vient d’initier une campagne anti « fake news » appelées également “contre-vérités” auxquelles sont assimilées aussi les “théories du complot”. Or de toute évidence, cet anticommunisme “post-factuel”, pour reprendre la terminologie actuelle, ne sera lui jamais menacé par la nouvelle législation, ni même par une mise à l’index. Aussi, c’est dans ce contexte propice à une confusion généralisée qu’il nous a semblé utile de revenir sur certaines affirmations de Michel Onfray contraires à des faits pourtant établis.
Ainsi écrivait-il en 2011 : « Quand les communistes russes et les nazis signent le pacte germano-soviétique, le PCF obéit à la décision de Staline. Dès lors, le Parti se réjouit de la défaite de juin 40. Selon eux, elle signe l’échec de la démocratie parlementaire, du capitalisme juif, de la bourgeoisie d’affaire. De plus, elle prépare la France à la révolution bolchevique ardemment souhaitée. L’Allemagne peut donc envahir la Pologne, puis la France, l’URSS ne bouge pas, les communistes français approuvent »… La suite est du même acabit, disponible ici en intégralité sur l’archive de son site.
Premier postulat : Onfray emploie l’expression « Pacte germano-soviétique » pour parler du traité de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique
Il y a tout d’abord lieu de noter que le terme “pacte”, tel qu’employé dans l’expression « Pacte germano-soviétique », présente l’avantage de favoriser la diabolisation. Mais surtout, Onfray omet de préciser qu’il y a une antériorité à ce traité de non-agression connue sous le nom d’ « Accords de Munich ». Et comme vous l’aurez remarqué dans ce cas, le discours dominant est moins négatif puisqu’automatiquement, le terme “pacte” est éclipsé au profit du terme “accord”. Et pour cause, les “Accords de Munich” qui ont totalement isolé l’URSS, furent ratifiés par Adolf Hitler, Führer du IIIème Reich allemand, Édouard Daladier qui représentait la France, Neville Chamberlain qui représentait le Royaume-Uni, et Benito Mussolini Président du Conseil des ministres d’Italie. Le Parti communiste de l’Union soviétique et le Gouvernement tchécoslovaque furent tout bonnement évincés des discussions. La Tchécoslovaquie sera donc offerte à Hitler qui immédiatement profitera de l’occasion pour mettre la main sur l’industrie de ce pays en particulier les usines Tatra et Škoda qui fabriquaient les chars tchèques devenus Panzerkampfwagen 35 et 38 qui déferleront sur la Pologne la Belgique et la France. Skoda fournira également des camions lourds aux Allemands et un tracteur d’artillerie spécialement conçu pour servir dans les conditions difficiles du front de l’Est. L’entreprise tchèque de construction aéronautiqueAero sera, elle, contrainte de travailler pour Focke-Wulf, célèbre constructeur d’avions de chasse au service de la Luftwaffe (Armée de l’Air allemande). Partant de là, la Tchécoslovaquie va s’avérer être la tête de pont pour l’invasion de l’Europe orientale dont les dominos vont tomber les uns après les autres, jusqu’à Stalingrad qui sonnera le glas des ambitions d’Hitler. La trahison est d’autant plus claire si nous voulons bien nous rappeler que Georges Bonnet, le ministre des Affaires étrangères français, disait « Il faut laisser l’Allemagne se perdre dans les sables du Danube« . Clement Attlee, chef du parti travailliste britannique, écrira lui : « Les diplomates britanniques et français ont traité le gouvernement soviétique avec une telle désinvolture que nous aurions, nous travaillistes, agi comme Staline« . Visiblement, Attlee avait également compris que ce « pacte germano-soviétique » n’annulait pas le traité franco-soviétique d’assistance mutuelle. Dans l’immédiat, il isolait le Japon impérial et n’empêchait pas l’alliance France-Angleterre-URSS. Afin de dissiper tout malentendu, rappelons que Maurice Thorez (dirigeant du PCF) écrira dès l’annonce du pacte « (…) Si Hitler, malgré tout déclenche la guerre, alors qu’il sache bien qu’il trouvera devant lui le peuple de France uni, les communistes au premier rang, pour défendre la sécurité du pays, la liberté et l’indépendance des peuples. »
Lorsqu’Hitler attaqua la Pologne, le 1er septembre 1939, si la Grande-Bretagne et la France déclarèrent formellement la guerre au IIIème Reich, la commission militaire britannico-française d’Abbeville du 12 septembre 1939 décida qu’il n’y aurait ni offensive militaire contre l’Allemagne, ni même bombardement du Reich, et les troupes françaises qui avaient déjà commencé à pénétrer en territoire allemand profitant du fait que la quasi-totalité de la machine militaire allemande était engagée sur le front polonais, reçurent l’ordre de revenir le long de la frontière française. C’est donc dans ce contexte que l’URSS prit le 17 septembre 1939 la décision d’occuper les régions orientales de la Pologne, alors que les troupes allemandes avaient déjà dépassé la Vistule que le « pacte » germano-soviétique avait pourtant établi comme ligne séparant les zones d’intérêt stratégique allemande et soviétique. Nous constatons ainsi que les « démocraties » occidentales, après avoir trahi leur allié tchécoslovaque, trahirent leur allié polonais, tandis que les Allemands avaient de leur côté dépassé la ligne qu’ils avaient pourtant reconnue trois semaines auparavant comme celle devant délimiter leur secteur d’occupation, des territoires qu’ils étaient censés considérer comme nécessaires pour la défense de l’URSS. Ce qui explique que même Churchill allait en novembre 1939 déclarer devant la Chambre des Communes que la décision de Staline de pénétrer en Pologne orientale était tout à fait justifiée du point de vue de l’intérêt stratégique de l’Union soviétique.
Viatcheslav Molotov est le diplomate qui signa le traité dit “Pacte germano-soviétique”. Selon lui les négociations permirent à l’URSS de gagner un temps très précieux, de quoi convertir son industrie lourde et obsolète en une industrie de guerre efficace. Quoi que l’on puisse penser des propos de Molotov, les chiffres qui vont suivre nous éclairent sur le niveau d’implication de l’URSS dans la guerre contre Hitler : 80% des pertes de la Wehrmacht seront subies sur le front russe. Les pertes militaires de l’Union soviétique représenteront 88% du total des pertes alliées en Europe (Royaume-Uni 3%, France 2.3% et Etats-Unis 2.2%). Le total des pertes militaires seules de l’Allemagne et de l’Union soviétique réunies représentera 84% du total de toutes les pertes militaires subies en Europe. A la question “Quel est le pays qui a le plus contribué à la défaite des Nazis ?”, pour 61% de la population française interrogée en août 1944, c’était l’URSS.
L’excellent texte complet de cette publication se trouve ici :
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/michel-onfray-analyse-de-son-anti-214733