Quand les, pauvres, Blancs, des Etats-Unis, découvrent qu’il sont des Noirs comme les autres

Aux Etats-Unis, on entend dire que les Blancs, non milliardaires et non millionnaires, c’est-à-dire une part importante de la population, sont, en colère, quand ils ne meurent pas, prématurément, par oxycodone, ou par suicide. Et que cette colère a alimenté le vote en faveur de M. Trump, qui recherchait explicitement à l’approuver, à lui répondre – comme si, pour ces Blancs désespérés, le vote en faveur de Mme Clinton avait été un tant soit peu possible alors que tout son parcours, ses choix, son histoire, celle de son mari, ex-président, les détournaient d’elle. Comme l’élection présidentielle a été une fois de plus contrôlée par une sélection en amont, afin d’aboutir à deux candidatures qui étaient les deux faces d’une même pièce, tragique, nombre d’Américains, quand ils n’étaient pas empêchés de voter par des mesures, légales, mais, démocratiquement scandaleuses, ont préféré ne pas voter ou voter pour le moins pire, et, pour eux, le moins pire était Trump – c’est dire à quel point Mme Clinton est honnie, rejetée, en raison de son engagement explicite dans le Big Business mondial. Evidemment, depuis que le milliardaire spectaculaire a été élu, ils sont toujours en colère, puisque, jusqu’ici, en dehors de ses gesticulations d’acteur et pathologiques, il n’a rien fait pour eux, et leur situation est tout aussi grave, désespérée. Ils ne comprennent pas. Ils sont blancs. Comme M. Trump, Mme Clinton. Donc, puisqu’ils sont blancs, ils ne devraient pas subir ce qu’ils subissent, ils devraient être avantagés, comme ils l’étaient auparavant, eu égard aux sales coups, aux discriminations, subis par les Noirs, les Hispaniques, en somme tous les non-blancs. Mais voilà : désormais, ils découvrent que, pour leurs chers dirigeants blancs, ils sont des Noirs comme les autres. Et ils entendent, en plus, que, en tant que Noirs comme les autres, ils peuvent crever, leurs chers “frères” blancs, riches, s’en moquent, ou le souhaitent, comme cet article de The Atlantic le prouve, par une féroce citation (“Écrivant pour le National Review en mars, le provocateur conservateur Kevin Williamson”), puisque celui-ci n’a pas hésité à écrire : “Rien ne leur est arrivé. Il n’y a pas eu un terrible désastre. Il n’y a pas eu de guerre, de famine, de peste ou d’occupation étrangère. Même les changements économiques des dernières décennies expliquent très peu le dysfonctionnement et la négligence, ainsi que l’incompréhensible malice de la pauvre Amérique blanche. (…) La vérité à propos de ces communautés dysfonctionnelles et de faible envergure est qu’elles méritent de mourir. Economiquement, ce sont des actifs négatifs. Moralement, elles sont indéfendables. Oubliez toute votre merde théâtrale bon marché Bruce Springsteen. Oubliez votre sentiment de pauvreté à propos des villes industrielles de Rust Belt en difficulté et de vos théories du complot sur les Orientaux rusés qui volent nos emplois… ” De tels propos, qui s’ajoutent à d’autres, et à des comportements, etc, viennent confirmer le racisme social vécu et subi par ces Blancs “Noirs”, comme les Noirs l’ont vécu, avec la couche supplémentaire du racisme “pur et dur”, auquel, hélas, ces mêmes victimes du racisme social général, ces pauvres Blancs, ont contribué, parce qu’ils pensaient faire partie de la classe supérieure définie par la couleur de peau. L’arnaque est en train de s’effondrer. L’article cite une historienne, Nancy Isenberg, auteure d’un ouvrage à sensation sur “White Trash: l’histoire inédite de la classe en Amérique depuis 400 ans” dans lequel elle est obligée de rappeler que, pour les Blancs dirigeants et riches, les pauvres Blancs étaient comme des déchets. Nancy Isenberg le montre, démontre : le racisme social spécifiquement anglais a été exporté aux Etats-Unis, parce que les migrants initiaux et principaux, les “pélerins” et autres pauvres, Anglais, Irlandais, ont été suivis comme leurs ombres par une part de la grande Bourgeoisie anglaise, laquelle a pris le contrôle des 13 premières colonies, en jouant la comédie de “la nouvelle nation unie”, avec ces pauvres Blancs, qu’elle méprisait déjà autant que les Noirs esclaves. Or, en trois siècles, rien n’a fondamentalement changé – sauf, évidemment, la “libération”, par l’économie, et pour une partie réduite seulement, des Noirs, ce dont parle Shomari Wills dans son ouvrage sur les premiers riches de la communauté noire. 
 
 

Comme l’écrit l’auteur de l’article, “Selon Mme. Isenberg, pour le Royaume-Uni, le nouveau monde était plus qu’un vaste stock de ressources naturelles. C’était aussi un lieu pour se débarrasser de la lie de sa propre société. À la fin du XVIe siècle, le géographe Richard Hakluyt a fait valoir que l’Amérique pourrait servir de lieu de travail géant où les «jeunes enfants de mendiants errants qui grandissent sans merci et lourdement dans le Royaume pourraient être vides et mieux élevés. “Les pauvres exportables, a-t-il écrit, étaient les” abats de notre peuple “. En 1619, le roi James I avait tellement marre des vagabonds qui arpentaient son palais de Newmarket. Trois ans plus tard, John Donne -oui, que John Donne a écrit sur la colonie de Virginie comme si c’était la rate et le foie de l’Angleterre, écrit Isenberg, drainant les «mauvaises humeurs du corps… pour faire du bien». Enfin, quelqu’un ose rappeler l’évidence, historique, fondamentale :  L’indépendance n’a pas effacé comme par magie le système de classes britannique.” Un “ordre de classe impitoyable” a été appliqué à Jamestown (…) Les puritains étaient eux aussi «obsédés par le rang de classe» – l’adhésion à l’Église et ses principaux élus étaient des privilèges de l’élite (…) Une version de la constitution de la Caroline du Nord, probablement co-écrite par John Locke, visait à «éviter l’édification d’une démocratie nombreuse». Elle envisageait une noblesse de landgraves et de caciques (allemand pour «princes» et espagnol pour «chefs»). “Cour d’héraldique” pour superviser les mariages et s’assurer qu’ils ont conservé leur pedigree.” “Les distinctions de classes ont été maintenues avant tout dans la répartition des terres. En Virginie, en 1700, les serviteurs sous contrat n’avaient pratiquement aucune chance d’en posséder, et en 1770, moins de 10% des Virginiens blancs revendiquaient plus de la moitié des terres. En 1729, en Caroline du Nord, une colonie de 36 000 habitants, il n’y avait que 3 281 subventions et 309 bénéficiaires détenaient près de la moitié des terres. «La terre était la principale source de richesse et ceux qui n’en avaient pas eu la moindre chance d’échapper à la servitude», écrit Isenberg. “C’était la stigmatisation du manque de terre qui laisserait sa marque sur les déchets blancs à partir de ce jour.” Ce n’était pas seulement une dynamique du Sud. L’usage américain des squatters en Nouvelle-Angleterre, où beaucoup de non-nommés plus tard, les «Yankees des Marais», ont creusé des maisons sur les terres des autres pour être ensuite chassés et faire brûler leurs maisons.” “Les pères fondateurs étaient, comme le voit Isenberg, complices de la perpétuation de ces divisions de classe. George Washington pensait que seule la “classe inférieure” devrait servir de fantassins dans l’armée continentale. Thomas Jefferson a imaginé que ses écoles publiques éduquant des étudiants talentueux “se débarrassaient des ordures” de la classe inférieure, et ont fait valoir que le classement des humains comme des races animales était parfaitement naturel. “La circonstance d’une beauté supérieure est considérée comme digne d’attention dans la propagation de nos chevaux, chiens et autres animaux domestiques”, a-t-il écrit. “Pourquoi pas celui de l’homme?” John Adams croyait que la “passion pour la distinction” était une puissante force humaine: “Il doit bien y en avoir une qui est la dernière et la plus basse des espèces humaines.“. Pendant des décennies, les parents, grands-parents de ces Blancs, ont marché (pas tous quand même, il y a eu aussi des rebelles, des socialistes, des communistes, des dépressifs, des fous, ou des “gens en colère”, sans qu’ils en connaissent la source, le sens), dans “les mythes”, parce qu’ils étaient, comme nous ici, coachés. Ils le sont encore, comme nous, ici. Mais l’efficacité de ce contrôle baisse. La conscience et la lucidité se construisent, arrivent. C’est douloureux, mais nécessaire.

 
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