Il y a un an, est paru « Racisme social… ». Un premier bilan s’impose.
- sur le plan médiatique : comme prévu, et bien que des journalistes aient reçu des mails, des messages via ce réseau, 98% d’entre eux ont fait comme s’ils n’avaient rien reçu. AUCUNE SURPRISE : nombre d’entre eux ne lisent même pas les livres dont ils parlent, puisqu’ils assurent seulement du publi-reportage, non déclaré comme tel, alors ils ne vont pas parler des livres qu’ils ne lisent pas et dont on ne leur demande pas de parler. En outre, avec certains, il semble que la curiosité, vieux principe humain, psychologique, intellectuel, ait totalement disparu. Il faut du « produit formaté », labellisé, par le nom d’une maison d’édition et par des titres. Les auteurs et chercheurs indépendants sont déconsidérés, à priori, alors que l’Histoire intellectuelle des 30 derniers siècles aura été leur fait. L’époque est à la conformité/conformisme, d’autant que le pouvoir politique en France exerce des fortes pressions pour qu’il en soit ainsi : pas-de-vague, comme disaient les Stylos rouges. Les exceptions sont d’autant plus… exceptionnelles ! Il y aura eu l’entretien avec Mouais, et la lecture du livre, évoqué par Mourad Guichard, dit Moumou, sur Le Média (mais depuis, l’émission a disparu de Youtube, à cause de France Télévisions !).
- Il y a eu des premiers et vrais lecteurs. Pour eux, ce fut une chose de savoir que le livre fait 550 pages, mais une fois en main, il y a bien 550 pages, et il faut donc du temps pour lire ! Ces lecteurs ont pu s’apercevoir que ce n’est pas un « essai », un « manifeste », un livre de « style », pour déclamer des certitudes, énoncées au doigt mouillé : il y a des sources, des références (la bibliographie en fin dépasse les 10 pages), et notamment des références pas connues, actuellement, en France, ou oubliées. Et en outre, bien d’autres ne sont pas citées, puisque, sans cela, l’ouvrage aurait atteint les 1000 pages, et plus. Je les remercie de, et je reste disponible pour un retour de leur part, sur l’ensemble ou sur tel ou tel passage.
- La notion de « racisme social » a donné lieu à des débats et des désaccords, et cela continuera. Il y a une opposition de principe, la plupart du temps, sans argument. Des Space sur ce réseau ont permis d’identifier les motivations de cette opposition : le fait que l’auteur de ce livre soit blanc (« donc tu ne peux pas parler du racisme »), que le racisme social n’existe pas (« seul le racisme existe »), cette expression va affaiblir/relativiser le racisme (affirmation jamais argumentée). Il y a une opposition de sémantique derrière laquelle il y a beaucoup de présupposés/implications : les pauvres seraient victimes de « phobie » mais pas d’une violence comparable à la violence du racisme. Evidemment, il y a une autre opposition, en général, pas formulée contre cette notion (sauf exception) mais formulée très largement publiquement : les pauvres ne seraient pas des victimes mais des coupables. En réponse aux uns et aux autres, il a donc fallu dire, clarifier ceci : si, en effet, aucun blanc, l’auteur compris, ne peut avoir vécu dans sa chair et son âme, le racisme, un, il y a le fait que nous n’avons pas besoin de subir chacun une violence pour en avoir une compréhension. C’est le sens de « l’empathie », principe humain fondamental. Actuellement, aucun d’entre nous ne subit/vit/ressent, ce que les Palestiniens vivent/ressentent, mais nous les comprenons. Et en parler ne signifie pas qu’il s’agisse de parler à leur place : ils sont les plus légitimes pour parler de ce qu’ils vivent, mais leurs amis, soutiens, peuvent parler de ce que vivent, subissent, les Palestiniens. Ce qui apparaît être banal, normal, pour les Palestiniens, cités en exemple, les, heureusement, rares, accusateurs « tu es blanc donc tu ne peux pas parler du racisme », l’ont mis en cause ainsi. Evidemment, c’est ridicule, VIOLENT, et jamais argumenté. La mise en cause de la formule « racisme social », de l’existence du phénomène est diverse : totale, dès lors qu’elle est le fait de celles et ceux qui accusent les pauvres d’être coupables de, partielle dès lors que certains reconnaissent que les pauvres subissent bien des « discriminations », mais qui ne relèveraient ni d’une logique raciste ni d’un niveau de violence comparable. A ce stade-là, on commence, enfin, à parler du fond.
- L’année écoulée a donc donné l’occasion de révéler des incompréhensions, d’autant que des personnes ont pu parler du sujet sans lire le livre. Ce qu’elles avaient, ont parfaitement le droit de faire, puisqu’un livre n’étant pas gratuit, et à 30 euros, dans les conditions économiques actuelles, elles ne peuvent être obligées de l’acheter pour en parler, répondre, MAIS ALORS, à la condition qu’elles aient pris le temps de lire ce qui est partagé ici depuis des années, sur racisme-social.fr. Or, bien souvent, il n’y a pas eu non plus de lecture de. Et c’est quand même compliqué de débattre avec des personnes qui ne prennent pas le temps de lire ce qui est disponible dans un partage gratuit, qui s’y refusent. Alors, pour faire disparaître ces incompréhensions (on parle des personnes de bonne foi), il faut donc faire une synthèse de : un, la notion de « racisme social » n’a pas été inventée, par caprice, amusement, provocation. C’est un travail sur le racisme qui a conduit à considérer qu’il y avait une nécessité à user d’une telle formule. TOUS les historiens, penseurs, du racisme, d’un poison, européen, ont été amenés à faire sa généalogie (une procédure importante aussi dans le racisme !), pour trouver l’apparition du mot, « race », des discours sur « la race », des discours racistes, de déshumanisation/dévalorisation des uns/valorisation des autres. Ils ont été ainsi conduits à déjà constater qu’il y avait, avant même le mot de « race », avant même les premiers discours clairement racistes, les doctrines racistes, de telles pratiques de déshumanisation. Plus personne ne conteste que les propos des uns et des autres à l’occasion de la controverse de Valladolid démontrent qu’il y a déjà une logique raciste à l’oeuvre. Mais alors, d’où vient-elle ? Elle serait apparue là ? L’Eglise catholique se serait engagée dans une telle voie par application ethnique du manichéisme ? Plus personne ne conteste également l’importance de l’affirmation de la « pureté du sang ». Mais cette pureté des Très-Chrétiens visait-elle à différencier un sang de blancs par comparaison avec les autres ? Non : cette pureté entendait distinguer un groupe de blancs, les nobles très-chrétiens, des autres, « gueux », juifs, donc, non-nobles. Ce groupe, ses membres se sont pensés comme une « race », à part. Racisme de blancs contre d’autres blancs : donc pas un « racisme anti blancs », mais un racisme… social. Dans l’Antiquité, on trouve les préalables de cette affirmation, mais ces premières manifestations n’aboutissent pas à concevoir explicitement et activement un séparatisme, à ce point. A Rome, il y a bien une affirmation des patriciens, qui interdit le mariage avec des non-patriciens – mais l’Empire Romain est devenu le mélange humain par excellence, avec des dirigeants non romains. En Grèce, la ploutocratisation a conduit à l’apparition des premiers « sans domicile/avoir » de l’Histoire, dont le plus célèbre, Diogène le cynique, parce que des citoyens se sont appropriés, maisons, champs, moyens de production. Mais Alexandre le Grand rencontre Diogène et « respecte » (en apparence, certes), Diogène, le considère comme un citoyen grec – ce dont Diogène n’a cure, puisqu’il lui demande de « s’ôter de son Soleil », c’est-à-dire d’arrêter de l’empêcher d’accéder au Bien. Mais si les conditions tragiques des divisions sociales, de ces violences contre les pauvres, sont apparues avec, par, la Grèce, puis Rome, la transformation de ces prémisses mauvaises, néfastes, en racisme… social, avant sa déclinaison avec son double monstrueux, le racisme, a été accomplie par le Christianisme/catholicisme, dont des dirigeants portent une responsabilité énorme. Et une critique du Christianisme ne favorise pas la prise en compte de l’ouvrage et du travail… S’il y a des blancs, « racisés », les personnes des autres couleurs de peau peuvent être non seulement l’objet du MEME racisme social, parce qu’elles sont pauvres, mais EN PLUS, être victimes du racisme. DONC, à aucun moment, ce travail ne peut atténuer, relativiser, le racisme, affaiblir la cause anti-raciste. Par contre, il vient rappeler qu’il ne suffit pas d’avoir une couleur de peau pour être « racisé » : des personnes qui ont la même couleur de peau que des personnes racisées ne subissent jamais une oppression à ce sujet, parce qu’elles sont fortunées, et, à en écouter certaines, n’ont aucun respect pour les pauvres, quels qu’ils soient. Si leur couleur de peau est l’objet de racisme, elles, elles sont dans le racisme social, parce qu’elles croient appartenir à un groupe social divers, « supérieur ». Et cette année, il a été possible d’entendre ou de lire des « racisés » qui ont tenu des propos de haine/mépris contre des pauvres blancs, au motif qu’ils sont des pauvres – en affirmant qu’ils n’auraient jamais la moindre solidarité pour les pauvres blancs qui sont dans les pires difficultés, et ce parce qu’il y a du racisme chez les pauvres blancs. Mais est-ce que tous les pauvres blancs sont racistes ? Ils sont « sujets » (victimes de, et victimes, en tant qu’ils sont contaminés par), au racisme social, MAIS AUSSI au racisme, parce que la démarche qui vise à les rendre racistes entend les neutraliser, en les obligeant à s’haïr eux-mêmes en haïssant celles et ceux qui sont comme eux, avec seulement pour différence, une autre couleur de peau. A l’inverse, le choix de la vraie fraternité repose sur le fait de mettre à terre, le racisme social, le racisme : respect, amitiés et relations entre pauvres, quels qu’ils soient.
- Ce travail a également démontré que le racisme a été inventé pour se substituer, cacher, le racisme social, en faisant croire aux pauvres blancs que, avec les riches blancs, tous étaient « frères ». Et ce discours de l’union raciale/nationale est de nos jours clairement porté par toute l’extrême droite. Ce n’est pas une invention actuelle, mais une continuité, depuis 1000 ans.
- En conclusion, tout chercheur doit toujours avoir à l’esprit plusieurs choses : tout prend du temps, et les vitesses actuelles (diffusion des « informations », véhicules, etc..) ne sont pas celles des connaissances/perspectives intellectuelles. Comme les artistes, nul n’a le contrôle sur la réception d’une oeuvre, d’un travail. Pas besoin de donner du temps au temps, puisque c’est la définition du temps : il y a temps, et il y aura, changements, évolutions, innovations, disparition des uns et apparition des autres. La prise en compte de ce travail dépend aussi de ce qui va advenir, concrètement, socialement, politiquement, ce qui est le plus important et le plus décisif. Sur ce plan-là, il y a beaucoup de confusions, dont les effets sont problématiques, voire, graves, et il faut donc continuer à s’exprimer et à agir. Si l’Histoire, le passé, doivent être connus, impérativement, ce qui importe, c’est le présent. Et pour avancer, il ne faut pas seulement de la « raison », avoir raison, mais aussi de l’imagination et de l’audace, par exemple, en faisant ce qui n’a jamais été fait avant. Un conseil, qu’une des références du livre a pu formuler à plusieurs reprises : Albert Einstein. Parce qu’il s’agit de penser aussi une réunification sociale.