« Représentation » : pourquoi tenons-nous tant à tant nous « représenter » ? ou pas… France : aller vers une représentation sociale, et non plus, nationale

Représenter : à partir d’une présence, il y a une répétition de la dite présence par un dédoublement. Stade du miroir : l’enfant se voit, et quand il se voit voir, et qu’il se voit voir voyant, il sait que le dédoublement est et n’est qu’une image de lui, qu’il y a lui, et, ailleurs, l’image, qui le montre, mais n’est pas lui. De cette auto-présentation qu’est la « représentation », notre époque maximalise les moyens de. Les selfies donnent à voir celles et ceux qui se donnent à voir et à regarder : c’est le photomaton partout. Les médias audiovisuels entendent représenter ce qui est, par des images de. D’autres médias entendent eux aussi autrement représenter ce qui est, et il y a donc une concurrence des représentations, comme la période des Gilets Jaunes en a donné une illustration… « frappante » (par exemple entre les images de QG le Média et celles de BFMTV). Mais la volonté de représentation concerne tout et tous : rois comme gueux, présidents comme citoyens, VIP comme « inconnus ». Avec les Etats Généraux, les Rois de France pouvaient convoquer une représentation nationale. Pour « représenter », le Royaume de France distinguait entre la noblesse, première, le clergé, lié à la noblesse puisque ses membres dirigeants provenaient de celle-ci, et le « tiers-Etat », le reste, soit la majorité de la population, les paysans, les ouvriers et les bourgeois, un « Tiers » qui était tout et qui, dans cette assemblée des Etats-Généraux, n’était qu’un petit tiers, impuissant face à la coalition aristocratique. C’est dire à quel point les Etats Généraux ne représentaient pas ce qu’était la France dans ses réalités sociales, quantitatives et qualitatives, mais représentait la France telle que ses dirigeants catholiques entendaient qu’elle soit représentée, qu’elle soit. Le monde de ces aristocrates se résumait à la vie des aristocrates : nécessairement, ils croisaient leurs serviteurs, parce qu’il leur fallait bien être servis, mais ils ne vivaient pas, ne connaissaient pas ceux-ci – sauf exceptions. L’Assemblée Nationale législative de 1791 ne la représente pas plus puisqu’elle est fondée sur un « suffrage censitaire masculin » : les femmes en sont écartées, comme elles le sont depuis des siècles, mais le Tiers en est même explicitement exclu, pour sa partie la plus pauvre. Autrement dit : la première « représentation nationale républicaine » en France représentait encore moins la France que les Etats-Généraux ne le faisaient avant 1789. Représenter sans représenter : la Bourgeoisie triomphante avait bien apprise sa leçon auprès de la noblesse, et l’imitait, sans vergogne. On mesure à quel point les trois premières années de la « Révolution Française » ont été dominées par un groupe anti révolutionnaire qui entendait que tout change pour que rien ne change. On pourrait se dire que, rapidement, les choses ont changé, et qu’il a fallu que la représentation nationale représente – et on a tort de croire en de vagues intuitions, généreuses pour celles et ceux qui nous dirigent, alors qu’ils ne l’ont jamais été, eux, généreux (à part, Jacques). Depuis 1791, le principal sujet de la bataille politique en France tient dans ce sujet de la « représentation » : qui peut être représenté, et pourquoi, et comment ? A l’été 1794, la frange la plus révolutionnaire (pourtant, elle aussi, bien modérée) a été liquidée. De 1794/1795 à 1871, les dirigeants économiques de la France sont parvenus à contrôler les conditions, et leurs conséquences, de la « représentation nationale ». Et après 1871, même s’ils ont établi le principe de ce qu’ils appellent « le suffrage universel » (alors que les femmes en étaient encore exclues !), ils ont continué à le faire, par le lien entre l’Etat, des partis et des médias. Les différentes élections de la 3ème République ont assuré le succès de « républicains » auto-proclamés, lesquels, aujourd’hui, seraient des adhérents et militants de partis de droite ou d’extrême-droite. Et ainsi de suite jusqu’à nos jours. Bien sûr, en 1944, l’opposition à la reconnaissance du fait que les femmes étaient des citoyennes à part entière a dû céder : elles qui étaient la condition sine qua non du monde humain, sont rentrés dans le cadre de la photographie, « nationale ». Mais ce qui est pris pour un « progrès » est très relatif, puisque, après y avoir beaucoup rechigné, les partis conservateurs se sont tournés vers LEURS femmes pour qu’elles militent, soient candidates, deviennent des élues, mais une Valérie Pécresse, une Marine Le Pen, ce ne sont pas les mêmes femmes que les Nathalie Arthaud, Assa Traoré, Louise Michel, Lucie Aubrac, ou Marie-Claude Vaillant Couturier. C’est ce qu’il faut étudier et comprendre : pourquoi la « représentation nationale »/nationaliste n’EST PAS une représentation SOCIALE, par principe, par objectif ? Et il faut dire pourquoi une représentation SOCIALE serait une telle représentation qu’elle serait préférable à une représentation nationale. C’est pourtant ce que nous enseigne nos photographies de groupe. Prenez une de vos photographies de classe de votre jeunesse : une classe, par an, pouvait être composée, selon le niveau, d’une vingtaine ou d’une trentaine de camarades. La « représentation nationale » serait réduite à la sélection d’un petit nombre de ces élèves : vous, les délégués, quelques amis. La représentation sociale de cette classe serait équivalente à celle que vous avez connu : impossible d’en faire disparaître qui que ce soit.

Mais quand il s’agit de « représenter » des millions de personnes, chacun comprend que le système est, doit être, « représentatif », c’est-à-dire, en principe, fidèle à ce qu’est la réalité sociale, et une réduction de cette réalité sociale. Mais alors la question centrale est donc : COMMENT réduire ? Pour ce qui est de réduire, la « représentation nationale » s’y entend à merveille : certaines catégories sociales françaises sont très représentées, et d’autres, aucunement. Des spécialistes ont pu considérer que l’Assemblée Nationale française actuelle, qui termine son mandat, ressemblait à celle qui est née sur les cadavres des Communards, après 1871. Autrement dit : la « représentation nationale » ne représente pas la population française. Comment faudrait-il faire pour que la représentation sociale soit une représentation, effective, pertinente ? Il faudrait établir la réalité de la composition sociologique en France, à un instant t (et ce même si, à des intervalles réguliers, il faudrait refaire cette étude), en distinguant entre les citoyens en fonction de leurs conditions d’existence, de travail, et leurs revenus : entre les fonctionnaires et les travailleurs de droit privé, entre les « libéraux » et les salariés/chômeurs, etc. Tout citoyen, y compris les enfants, pourrait être affilié à une organisation sociale représentative, en fonction de sa situation dominante (en cas de conflit entre deux situations dominantes, le citoyen aurait à choisir celle qui a sa préférence), à partir de laquelle des partis pourraient se constituer, notamment pour les candidatures. Nul besoin que chaque parti compte une part proportionnelle de chaque catégorie de Français : les différentes organisations sociales, puis les partis, assureraient qu’une représentation soit effective. Existerait-il un risque qu’avec de telles règles, une majorité de citoyens choisissent une catégorie sociale minoritaire pour la représenter ? Si le cas n’est pas impossible, cela serait peu probable. Concrètement, de telles règles empêcheraient, à priori, qu’une « assemblée », comme celle qui, actuellement, se trouve à la tête de la France pour sa partie « législative », puisse être constituée et en situation de pouvoir. Le bilan de ce mandat plaide contre et une telle majorité et les règles constitutionnelles qui l’ont rendu possible.

Mais pourquoi diable faut-il être à tout prix « représenté » ? Et si nous ne le sommes pas, quelle importance ? Mais pourquoi certains groupes tiennent, tant, eux, à être présents par le fait d’être « représentés » ? Ils ne conçoivent pas de déserter, de laisser la place publique aux autres. Ils entendent tenir leur rang et les rangs. Si nous proposions des règles constitutionnelles qui excluraient, de fait, les membres et leurs représentants de la Bourgeoisie, en France, ils hurleraient, « comme des cochons que l’on égorge ». Les BFMTV et Cnews et hurleraient à la « dictature communiste ». Mais quand il s’agit de LEUR domination sur la « représentation nationale », ils la jugent non seulement, « normale », mais justifiée, nécessaire. Il faudrait leur faire faire l’expérience de l’exclusion de la représentation collective pour qu’ils ressentent dans leur chair ce que signifie concrètement « ne pas être représenté ». Or, ils ont ORGANISE cette exclusion depuis des décennies et même des siècles, ils continuent et ils veulent continuer. Il faut donc leur imposer d’y mettre fin, parce qu’ils ne céderont pas. Etre, VRAIMENT, représenté, assure de ne jamais être INVISIBILISE, et ce parce que des régimes politiques s’y entendent pour « effacer » de la représentation générale et des représentations au quotidien, tant et tant de membres de la communauté « nationale ». Mais ce qu’ils jugent valable et nécessaire pour et contre d’autres, ils le refuseraient pour eux-mêmes. La Bourgeoisie en France SE REPRESENTE par l’Assemblée Nationale, MAIS AUSSI par ses médias (BFMTV, TF1, Canal Plus, etc), par SES films, par SES téléfilms, par sa presse, par SES magazines (Paris-Match, Gala, Voici, etc), par SES publicités, par SES journalistes. Ses membres ne conçoivent pas de ne pas être représentés, de ne pas être connus, que, contrairement à une émission-matrice des médias français, personne n’en parle (« tout le monde en parle »).

Mais il y a mieux et pire : cette volonté de représentation a ses limites, elle fonctionne, en France, sur des principes à géométrie variable, comme pour le reste. Pour celles et ceux qui tiennent tant à être, nationalement, représentés, ils ne tiennent pas du tout à l’être concernant ce qu’ils jugent relever de leur vie privée, notamment en ce qui concerne les affaires. Brusquement, les mêmes qui votent des lois afin de permettre à l’Etat de tout VOIR/SAVOIR sur les citoyens ont des pudeurs de gazelle, et entendent empêcher que des « informations », ces autres représentations, circulent à propos de, voire même les interdire, au nom du « secret des affaires ». Ces adeptes de la panoptique sociale veulent qu’elle ait des angles morts. Ils choisissent de mener des « conseils de défense » dont, les participants, les sujets, les informations, sont « secrètes », puisque rien ne filtre de ce qui se dit et de ce qui est décidé et par qui dans ces « conseils ». Outre une « représentation » qui fait disparaître plus de la moitié de la population, nous sommes donc confrontés à une « irreprésentation » sociale, un mur, derrière lesquels les « représentants » se cachent et se protègent, autant que possible, même s’ils ne peuvent empêcher, tant il y a de canaux dans une citadelle, qu’il y ait des fuites, comme avec le scandale MacKinsey, un parmi tant d’autres. EN MEME TEMPS qu’ils s’assurent qu’ils accumulent le maximum de « représentations » sur les citoyens qui ne font pas partie de leurs « résidences protégées ».

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