Il y a déjà plus de 20 ans, les Editions la Fabrique publiaient ce « Journal d’un gardien de la paix« , co-écrit par Erik Blondin, le gardien de la paix auteur de, avec Marie-Dominique Arrighi. Tout propos, sérieux, démontré, conséquent, sur « la police » est à la fois facile, parce que le sujet, humain, politique, administratif, n’a pas de secrets pour qui veut bien l’étudier, le connaître, et difficile, parce que ce sujet a ses « secrets », parce que l’enfer français est pavé des meilleures intentions (supprimons la police et donc nous supprimons les problèmes qu’elle pose), d’autant que, dans le cas français, cette perspective paraît relever d’une hypothèse sociale et politique extrêmement improbable, et ce parce que l’Etat français est l’un des plus policiers au monde, depuis des siècles. Le nom de « police » semble être synonyme de l’Etat lui-même : lois, règlements, à faire respecter et sinon, en engageant des poursuites légales contre tel ou tel, tels ou tels, moyens divers d’informations sur chacune, chacun, armes pour arrêter, y compris par un coup de feu, mortel ou non. Les « agents » de, sont des « représentants de l’Etat », si ce n’est l’Etat lui-même. Couplée à l’institution judiciaire, elle peut sembler disposer d’une « indépendance » à l’égard de l’exécutif, mais l’existence même du Ministère de l’Intérieur nie cette indépendance, là où les Juges sont eux, en principe, dans une « séparation des pouvoirs », de principe et de « fait », avec l’Etat. Mais tel que l’Etat est organisé en France, nous savons que cette « indépendance », de principe, n’est pas, de fait. Actuellement, la réputation sociale de la police dans l’ensemble de la population est majoritairement négative : des décisions politiques ont imposé aux fonctionnaires de ce Ministère des logiques publiques de « répression », dans l’instant, par exemple, lors des manifestations des Gilets Jaunes, ou dans la durée, par exemple, avec la politique de Prohibition des drogues; des citoyens ont été tués par un tir, ou plusieurs, effectué par un agent, notamment en raison du « refus d’obtempérer », après que le gouvernement PS de François Hollande ait donné satisfaction à une requête de l’extrême droite. Mais la plus grande partie du travail réside dans les enquêtes judiciaires, légales – dont les fonctionnaires en charge de, sont visés par une « réforme », qu’ils rejettent radicalement, mais que le gouvernement, là comme ailleurs, veut absolument leur imposer, y compris en sanctionnant des figures de. Pour les personnes qui sont concernées par une injonction policière, la différence se fait entre celles qui vont avoir une procédure judiciaire, courte ou longue, sans emprisonnement, quelle que soit sa forme, et celles qui vont avoir une autre procédure judiciaire, courte ou longue, avec emprisonnement. Comme le rappelle Gwenola Ricordeau et Joel Charbit dans la discussion ci-dessous, l’emprisonnement enferme massivement des « racisés sociaux » (pauvres, prolétaires, quelle que soit leur nationalité), et, inversement, exceptionnellement des « VIP », la « délinquance en col blanc ».
Ces dernières années, les « représentants publics » de la police, par exemple des « syndicaux », sont devenus des politiques comme les autres. Actuellement, un syndicat se vante même de dicter aux politiques les règles publiques, les droits des policiers. Cet état de fait est la conséquence de plusieurs évolutions dans l’Histoire de la police en France, avec, ces quarante dernières années, la montée en puissance de l’extrême-droite dans la police, et ce afin de justifier des violences ou des logiques violentes. C’est que, entre 1945 à aujourd’hui, la police en France n’a jamais connu une « table rase », qu’un candidat à l’élection présidentielle appelait de ses voeux, ce qu’un Frédéric Lordon considérait être une meilleure orientation, que la continuité actuelle. En 1945, la Libération n’a pas conduit à un aggiornamento de la police, comme des armées, d’autant plus que le pays, à peine libéré, a poursuivi ou s’est engagé dans des guerres coloniales dans lesquelles des violences aussi élevées que celles subies par les Français occupés, ont été imposées aux colonisés, avant que, logiquement, les indépendances s’imposent. Or, de ce qu’elle fut et fit pendant l’Occupation jusqu’à la guerre d’Algérie, il y a plus de continuités que de discontinuités. Mais derrière la police à l’oeuvre, c’est le pouvoir politique qui décida et imposa la continuité de ces mauvais principes, parce que la France est durablement dirigée par une droite politique et économique, même avec une SFIO devenue après le PS. Chaque administration rassemble des citoyens, divers, mais un des enjeux du contrôle de l’Etat sur la police est de massifier/unifier cette diversité, afin qu’aucune tête ne dépasse. Erik Blondin aura été l’un d’eux. Qu’il soit devenu un fonctionnaire de, paraît, à la lecture de sa vie antérieure, impossible, improbable. Mais il l’est devenu. Et on le sait : les témoins de « l’intérieur » sont toujours ceux qui ont le plus à dire, et qui sont, pour l’Etat, les plus dangereux, parce qu’ils ont appris, directement, par leur expérience, par leurs échanges avec leurs collègues, par l’accès à des informations classifiées. Pour ne pas se soumettre à des ordres iniques, Erik Blondin en est venu à créer avec d’autres un « syndicat de la police nationale » – tout simplement. Ci-dessous, vous trouvez des tracts que ce syndicat a diffusé. Il y a donc eu, il y a, des policiers, avec une conscience politique progressiste : mais l’Etat les pousse à partir, ou les neutralise (il y a plusieurs façons), pendant qu’il promeut ceux qui le soutiennent radicalement, en bafouant ainsi la liberté de conscience définie et protégée par la loi de 1905. Il fallait du courage pour parler, en tant que policier, de crimes commis par la police, sous l’Occupation, pendant la guerre d’Algérie, pour faire référence à un historien de. Si certains policiers ont pu interpréter, interprètent de tels tracts comme une « trahison », il faut mesurer que, au contraire, il leur rend service, en distinguant ceux qui ont obéi à des ordres, bien qu’ils furent criminels, et ceux qui ne l’ont pas fait, en fait, majoritaires – et parmi lesquels, certains ont même préféré courir des dangers pour pouvoir se regarder dans une glace, pour avoir la satisfaction d’avoir respecté des principes humains fondamentaux.