QG le média libre a publié une traduction d’un texte de Toby Green (professeur d’histoire au Kings College London, auteur de The Covid Consensus: The New Politics of Global Inequality) et Thomas Fazi (écrivain, journaliste and traducteur, auteur de Reclaiming the State), sous le titre «Le naufrage de la gauche politique face au Covid» Le texte est précédé par ce résumé, cette présentation : «L’incompréhension des partis et intellectuels de gauche face à la situation engendrée par le Covid aura des conséquences désastreuses. Une fois de plus c’est l’extrême-droite qui a réussi à capter la dissidence populaire, réduisant toute chance de renverser son hégémonie. N’y avait-il vraiment aucune critique progressiste à formuler à l’encontre de la mise en quarantaine d’individus en bonne santé, de laboratoires avides de milliards, d’un tel moment de fragilité collective utilisé cyniquement pour laminer toutes les libertés publiques ?»
Le texte ci-dessous, sur la base d’une approbation de l’ensemble des affirmations et des analyses de leur texte commun, entend en proposer une validation par l’examen du cas français, par le développement de quelques parties et aspects. La problématisation de certains autres, des perspectives, seront formulées dans un second texte publié dans les prochains jours. Quand leur texte est cité, celui-ci est marqué par des caractères en italique.
Pour commencer, les deux auteurs constatent que les prises de position de Trump et Bolsonaro, le Trump brésilien, en pire (c’est possible), ont servi de références à contredire par «des libéraux et de ceux qui se situent à gauche de l’échiquier politique occidental», au motif que, puisqu’ils adoptaient telle ou telle position, il s’agissait donc, nécessairement, des positions réactionnaires et fascisantes et qu’il fallait nécessairement les contredire. Le manichéisme de ces deux démagogues a donc servi à constituer un autre manichéisme dans lequel ils étaient donc identifiés au Mal et toutes leurs positions, décisions, frappées du sceau de l’infamie. Dans la foulée, les mêmes «adhèreront ensuite à la logique des passeports vaccinaux». Autrement dit, des «libéraux» (notamment néo), et des engagés identifiés comme relevant de la gauche ont validé des mesures, des pratiques, liberticides, en prétendant s’opposer à des ultra-libertariens, comme si les revendications concernant les libertés individuelles devaient être réduites à de l’égoïsme mal dégrossi. Et, ajoutent-ils, «Aujourd’hui, alors que les pays européens expérimentent des restrictions de plus en plus importantes à l’égard des personnes non vaccinées, les commentateurs de gauche – habituellement si prompts à défendre les minorités victimes de discrimination – se distinguent par leur silence.» Ils ont raison de le dire ainsi par le choix d’un terme précis : les commentateurs de gauche, parce que ces professionnels du commentaire du et sur la vie publique ne sont pas les porte-parole des citoyens de gauche, des vraies organisations de gauche, mais quand ceux-ci ne se taisent pas, quand ils manifestent, quand ils s’expriment sur les réseaux sociaux, il est en effet certain que ces fameux commentateurs ou se taisent ou approuvent les restrictions ET les sanctions contre les personnes non vaccinées. Et c’est pour cela, sur cela, contre cela, que les deux auteurs s’expriment : «En tant qu’écrivains qui se sont toujours positionnés à gauche, nous sommes troublés par cette tournure des événements. N’y a-t-il vraiment aucune critique progressiste à formuler à l’encontre de la mise en quarantaine d’individus en bonne santé, alors que les dernières recherches indiquent qu’il existe qu’une différence infime en termes de transmission du virus entre les personnes vaccinées et non vaccinées ? La réponse de la gauche au covid apparaît maintenant comme faisant partie d’une crise plus large dans la politique et la pensée de gauche – une crise qui dure depuis au moins trois décennies. Il est donc important d’identifier le processus par lequel cette crise a pris forme.» Commencer par dire qu’il existe une différence infime en termes de transmission du virus entre des personnes vaccinées et des personnes non vaccinées, c’est, bien que, sis sur un fait scientifiquement établi, incontestable, prendre déjà une… infinie distance avec le discours politico-médiatique, et, immédiatement, ou être condamné au silence, ou contredit par une accusation de complotisme. Afin de valider leur ortho-logie-doxie, les pouvoirs institués ont repris à leur compte la rhétorique de l’Inquisition, mettant en cause toutes les hérésies, c’est-à-dire tout écart, fut-il minime, face à ses affirmations dogmatiques sanitaro-militaires. Et pourtant c’est un fait. Comme tant d’autres. Faits qu’il faut lister : un, le virus dit Covid ou Sars-Cov2, est un virus dont la létalité est faible – faible, mais pas nulle. Il est bien plus dangereux qu’un rhume (que l’on ne soigne pas), et il est infiniment moins dangereux qu’un Ebola (contre lequel des progrès ont, enfin, été accomplis ces toutes dernières années). C’est un virus qui affecte principalement le système pulmonaire/respiratoire, contre lequel certaines personnes ont des fragilités à risque (les fameuses co-morbidités). Le virus a connu une diffusion planétaire, depuis sa supposée région source chinoise (à propos de laquelle rien n’est certain). Selon les pays, la PROPORTION de malades et de morts varie. Certains pays ont eu une faible mortalité, que cela soit par des conditions climatiques et environnementales spécifiques, ou que cela soit par des pratiques hygiénistes holistiques, notamment par un dépistage de toute la population ou de toute la population d’une zone. D’autres ont connu, comme la France et les Etats-Unis une mortalité plus élevée : bien qu’ils aient pratiqué des confinements dont il nous a été asséné qu’ils étaient l’alpha et l’omega de la lutte contre le Covid, des transmissions ont été effectives, et un système hospitalier qui, préalablement, a été laminé par des politiques néo-libérales qui se sont enchaînées depuis 20 ans, ont placé des personnels dans une faiblesse de moyens, dans une surcharge de travail, dans une exposition permanente au virus, et ces personnels l’ont payé par des morts et des personnes qui ont dû ou être arrêtés en raison de leur état de fatigue ou ont préféré démissionner – avant que le gouvernement français passe des câlins aux gourdins en les attaquant, par une obligation vaccinale face à laquelle nombre ont préféré s’exonérer en quittant… Le cas français mérite plus de détails encore : en amont des premières mesures draconiennes, le pouvoir politique a nié ET l’existence ET la gravité de la menace (il fallait aller au théâtre ou au cinéma) que, APRES, il déclara être telle que la France était en guerre… On est donc passé d’un extrême à l’autre, et, en y passant, le même pouvoir a décrété que l’usage du masque par chacun ne relevait d’aucune nécessité, avant, quelques mois plus tard, de décréter l’exact contraire. Un chantre de la «liberté de circulation des marchandises» décréta que celles-ci devaient impérativement continuer de circuler, mais, sauf les «personnes essentielles» (formule pour désigner celles qui allaient être obligées d’aller travailler pendant que d’autres allaient être obligées de ne pas travailler ou de ne pas circuler), tous devaient, comme à la cour de récré quand les enfants jouent, rester à sa place pendant… Divine surprise : les manifestations publiques furent aussi affectées par ces limites draconiennes, et elles passèrent du statut «c’est autorisé, mais…» à «c’est si compliqué que…», devenant de fait interdites. Ce couvre-feu 24/24, qui ne disait pas ainsi son nom, réduit à celui, confortable, de «confinement», dura. Mais voilà : petit à petit, et bien que tant de défenseurs de tout cela en aient, il fallut se rendre à l’évidence, à savoir que les transmissions, contaminations, développements effectifs de la maladie, se faisaient rares, et qu’il fallait donc annuler tout cela. Tout : non. Du couvre-feu, il fallut concéder sa fin, mais de «l’état d’urgence sanitaire», celui-ci fut maintenu, et, en France, sa gestion fut confiée à un «conseil de défense sanitaire», secret défense, qui échappe à tout contrôle des instances élues. Cette éclaircie fut de courte durée. Des médias, aux anges, purent déclarer : Covid is back, et ils commencèrent le cirque de leurs «vagues». «Nouvelle vague» : le mauvais film reprit. Gnagnagnagna des hausses des… gnagnagna des hospitalisations (dans des hôpitaux réduits à l’os, pas étonnant). Bingo : vous avez regagné un reconfinement. Comme les effets économiques du premier avaient été désastreux (hausse énorme du chômage par le non-emploi de millions de travailleurs précaires, comme les jeunes, hausse importante de la fermeture de commerces, avec, pour conséquence, des suicides, des personnes qui avaient une vie et des revenus tombant sous le seuil de pauvreté, quand elles ne furent pas carrément jetées à la rue par…), le pouvoir décida de ménager la chèvre et le chou, en imposant son couvre-feu, le soir et le week-end. Puis à nouveau, la baisse des… Entre temps, des «vaccins» élaborés à vitesse grand V, apparaissaient et se voyaient proposer aux «autorités», européennes, françaises : lesquelles les adoubèrent, pendant qu’elles refusaient tout vaccin pas américain (russes, chinois, cubains, ostracisés), en «bonne» jurisprudence OTAN. Evidemment, les populations s’interrogèrent : mais que valent ces vaccins ? Vas-y le premier – non, toi, d’abord. Les autorités le répétèrent : vous pouvez (mais en glissant trop vite vers, «vous devez»), nous faire, faire confiance, mais comme cette demande/exigence était énoncée par une instance envers laquelle la majorité des citoyens n’a plus confiance, depuis longtemps, beaucoup restèrent rétifs. Alors on passa au chantage : ou vous vaccinez ou on reconfine. Evidemment, les conséquences étant si élevées pour tant, beaucoup s’y résolurent, la mort dans l’âme. Le matraquage devint indécent : vaccinez-vous, et vous serez libre. Le vaccin rend libre. Le vaccin fait disparaître le Covid ou le rend inoffensif. L’été venant, il fallut revenir aux libertés, mais en les limitant encore, et en suspendant jamais l’état d’urgence sanitaire. Puis il y eut une nouvelle vague. Et une nouvelle décrue. Et une nouvelle vague – avec des «variants» pour lesquels des médias commentent, comme aujourd’hui, 2 décembre 2021, leur apparition en France. Entre temps, du printemps à l’automne, il fut constaté que la vaccination dont il nous était dit qu’elle allait être l’alpha et l’omega de la résolution de cette crise n’était pas, avec les vaccins utilisés, si efficace, puisque les contaminations continuaient, puisque des vaccinés tombaient malades. Quant aux effets indésirables dont SEULS les citoyens en parlaient et en parlent sur les réseaux sociaux, condamnés par des médias qui se prétendent être absolument vrais contre des réseaux qu’ils qualifient de flux de fake news, le sujet est, en France, tabou : aucune enquête, aucune émission ouverte, aucun débat public. Entre temps, et là personne ne peut qualifier ces affirmations de fake news, le vaccin Astra Zeneca est passé du statut de demi-dieu à déchet mis au rebus, et quelques effets indésirables et graves ont été, scientifiquement, médicalement, reconnus pour tel ou tel vaccin. Mais voilà : ce dont un Président avait affirmé que JAMAIS il ne serait utilisé, le «pass sanitaire» a été instauré, et, pour ceux qui ne l’ont pas, pour ceux qui ne sont pas vaccinés, des limitations ET des sanctions ont été votées, mises en oeuvre. Mais comme il reste des Gaulois réfractaires (idem dans d’autres pays), il est envisagé, comme l’Allemagne le fait, d’imposer la vaccination obligatoire… Entre temps, les dégâts économiques et sociaux ont été profonds et graves, pendant que les plus fortunés, individus, familles et entreprises, prospéraient comme jamais. Ils ont raison de rappeler que «au cours de la première phase de la pandémie – celle des confinements – ce sont les partisans de la droite culturelle et économique qui ont été les plus enclins à souligner les dommages sociaux, économiques et psychologiques en résultant. » De celles et ceux qui purent se faire entendre. Parce que la vraie gauche en a parlé aussi. Mais elle était, elle est, interdit d’expressions dans les médias autorisés d’autorité. Le manichéisme des uns qui a suscité le manichéisme des autres a pu conduire à ce que «très rapidement, les gauches occidentales ont donc adopté le confinement, considéré comme un choix « pro-vie » et « pro-collectif » – une politique qui, en théorie, défend la santé publique ou le droit collectif à la santé. Pendant ce temps, toute critique des confinements était stigmatisée comme une approche « de droite », « pro-économie » et « pro-individuelle », accusée de privilégier le « profit » et le « business as usual » sur la vie des gens.» Alors qu’il fallait regarder les choses de plus près pour voir qui était vraiment protéger, et qui, au contraire, ne l’était pas du tout ou très peu : les travailleurs obligatoires l’étaient-ils ? Les plus pauvres l’étaient-ils ? Les travailleurs frappés par un chômage obligatoire et long ont-ils été protégés par des revenus équivalents à ceux qu’ils percevaient avant, voire même supérieurs à ? Non, et d’ailleurs, les décideurs de ces politiques ont usé d’un discours lié à la guerre : leur sacrifice. Le sens était transparent. Et voilà que «en même temps, la position de la gauche l’éloignait de toute forme de base ouvrière, puisque les travailleurs à faible revenu étaient les plus gravement touchés par les impacts socio-économiques des politiques de confinement continu, et étaient également ceux qui étaient les plus susceptibles de travailler pendant que les classes moyennes et supérieures découvraient le télétravail et les réunions Zoom. Ces mêmes lignes de fracture politiques sont apparues pendant les campagnes vaccinales, puis avec la question des passeports sanitaires. La résistance est associée à la droite, tandis que les membres de la gauche traditionnelle soutiennent généralement les deux mesures. L’opposition est diabolisée comme un mélange confus d’irrationalisme anti-science et de libertarisme individualiste.» Qui a soutenu ces politique ? «la quasi-totalité des partis et des syndicats de gauche ont» «soutenu pratiquement toutes les mesures proposées par les gouvernements dans la gestion du Covid». Or de tels soutiens n’allaient pas de soi. Ils reposaient sur une «vision (…) simpliste de la relation entre la santé et l’économie, une vision qui tourne en dérision des décennies de recherches en sciences sociales» », «recherches qui pourtant ont démontré à quel point la richesse et la santé sont liées». Or, de manière parfaitement économo-logique, la période a donc rendu possible «l’augmentation massive des inégalités, l’attaque contre les pauvres, contre les pays pauvres, contre les femmes et contre les enfants, le traitement cruel des personnes âgées, (…) l’énorme augmentation de la richesse des individus et des sociétés les plus riches résultant de ces politiques» puisque aucune politique de péréquation n’a été mise en place pour compenser réellement les pertes de revenu, et donc les capacités effectives des uns, à se loger, se nourrir, se soigner (il n’y a pas que le Covid dans la vie !), et limiter les avoirs financiers des monstres économiques. Le fait d’associer, vaccination, de principe, et bienfait, a conduit une certaine «gauche» de salon à «ridiculiser l’idée même que, compte tenu de l’argent en jeu, et alors que BioNTech, Moderna et Pfizer gagnent actuellement à eux trois plus de 1.000 dollars par seconde avec les vaccins Covid, les fabricants de vaccins pourraient avoir des motivations autres que le « bien public », avec, pour effet, quand ces fabricants ont décrété qu’une troisième dose (en attendant une 4ème !) était nécessaire, cette recommandation, validée par des gouvernements dont il serait pourtant légitime d’interroger les possibles collusions/corruptions, l’a également été par cette même gauche, toujours prête à se mettre au garde à vous quand des ordres viennent des puissances et des puissants. Pour une autre partie de la gauche, aurait-on à faire à un calcul cynique ? «comme l’a écrit le théoricien brésilien Roberto Mangabeira Unger, la gauche a toujours prospéré dans les périodes de grande crise (la révolution russe a bénéficié de la première guerre mondiale et le réformisme social des suites de la deuxième guerre mondiale). Cette histoire peut expliquer en partie le positionnement de la gauche aujourd’hui : amplifier la crise et la prolonger par des restrictions sans fin est peut-être considéré par certains comme un moyen de reconstruire la politique de gauche après des décennies de crise existentielle.». Ce serait alors, la déclinaison «de gauche» (pseudo), de la logique sacrificielle des capitalistes cyniques : tant pis s’il y a des pertes, mais c’est bon pour la cause de la Révolution. En attendant, des millions… Si ce «calcul», du pire, existe, dans une certaine gauche, il apparaît être très marginal. Ce qui a dominé dans une fausse gauche, avec la «social-démocratie», c’est une collaboration constante avec ces puissances. Contre les communistes : lors de «la guerre froide» qui «a coïncidé avec l’ère de la décolonisation et la montée d’une politique antiraciste mondiale», et, après «la fin de la guerre froide», a commencé «le début d’une crise existentielle pour les partis politiques de gauche», parce que ceux-ci se sont retrouvés à poil : face aux puissances du capitalisme, parce qu’ils ne pouvaient pas invoquer la perspective et menace, communistes, face aux travailleurs, parce qu’ils étaient au service unique de ces puissances et que, désormais, cela se voyait parfaitement. C’est que, concernant «la nature du néolibéralisme», il n’y a pas qu’une mauvaise compréhension : il a été démontré que le PS français a été le creuset, en Europe, de la diffusion et de l’imposition (!) tant de cette doctrine que, surtout, de sa mise en oeuvre, dans un enthousiasme impressionnant et criminel. Il faut citer le cas du PS, puisqu’il a été et il est encore associé à ce que l’on appelle «la gauche» alors que, comme tant l’ont dit ou démontré, il s’agissait et il s’agit d’un parti de droite. Concernant la gauche des naïfs et des demi-savants, il y a eu, par contre, en effet, une «mauvaise compréhension de la nature du néolibéralisme, parce que ses membres ont postulé qu’il se réalisait quand il y avait un « retrait » ou un « évidement » de l’État en faveur du marché.», puisque la doctrine néo-libérale elle-même affirmait cela ALORS que, implicitement, elle postule, au contraire, l’existence d’un Etat «fort», renforcé, afin de livrer au maximum de biens et de services «au marché», afin de protéger ces privatisations. Et c’est ce que nous pouvons observer quand nous devons constater que «le néolibéralisme n’a pas du tout entraîné un dépérissement de l’État. Au contraire, la taille de l’État en pourcentage du PIB a continué à augmenter tout au long de l’ère néolibérale.». Ce que les deux auteurs expriment parfaitement : «le néolibéralisme s’appuie sur une intervention extensive de l’État tout autant que le « keynésianisme », sauf que l’État intervient maintenant presque exclusivement pour servir les intérêts du grand capital, pour faire la police dans les classes ouvrières, renflouer les grandes banques et les entreprises qui feraient autrement faillite, etc. En effet, à bien des égards, le capital est aujourd’hui plus dépendant de l’État que jamais. Comme le notent Shimshon Bichler et Jonathan Nitzan : « Au fur et à mesure que le capitalisme se développe, les gouvernements et les grandes entreprises deviennent de plus en plus imbriqués. (…) Le mode de pouvoir capitaliste et les coalitions de capitaux dominants qui le gouvernent ne nécessitent pas de petits gouvernements. En fait, à bien des égards, ils ont besoin de gouvernements plus forts ». Aujourd’hui, le néolibéralisme s’apparente davantage à une forme de capitalisme monopolistique d’État – ou de corporatocraty – qu’au capitalisme de marché libre de petits États qu’il prétend souvent être. Cela explique en partie pourquoi il a produit des appareils d’État de plus en plus puissants, interventionnistes, voire autoritaires.» Et c’est pourquoi il est si justifié que pointer une «naïveté» d’une pseudo gauche qui «se réjouit d’un « retour de l’État » inexistant. Et le pire, c’est qu’elle a déjà commis cette erreur auparavant. Même au lendemain de la crise financière de 2008, de nombreux membres de la gauche ont salué les importants déficits publics comme « le retour de Keynes » alors que, en réalité, ces mesures n’avaient pas grand-chose à voir avec Keynes, qui conseillait de recourir aux dépenses publiques pour atteindre le plein emploi, et visaient plutôt à soutenir les coupables de la crise, les grandes banques. Elles ont également été suivies d’une attaque sans précédent contre les systèmes de protection sociale et les droits des travailleurs dans toute l’Europe.» Or, pour ces deux auteurs, nous sommes actuellement dans une triste banale continuité : «C’est un peu la même chose qui se produit aujourd’hui, alors que les contrats publics pour les tests Covid, les masques, les vaccins et, maintenant, les technologies de passeport vaccinal, sont attribués à des sociétés transnationales (souvent dans le cadre d’accords louches qui transpirent le copinage et les conflits d’intérêts).» Sur cette possible très grande corruption, il faut bien constater que les médias autorisés de l’autorité sont aux abonnés absents mais que même des médias alternatifs comme Médiapart ne proposent rien de conséquent. Dès mars 2020, nous l’avons dit, avec d’autres : «les gouvernements ont tendance à exploiter les crises pour renforcer l’agenda néolibéral (.)… Pierre Dardot et Christian Laval, par exemple, ont affirmé que sous le néolibéralisme, la crise est devenue une « méthode de gouvernement ». Plus célèbre encore, dans son livre La stratégie du choc (2007), Naomi Klein a exploré l’idée d’un « capitalisme du désastre ». Sa thèse centrale est que, dans les moments de peur et de désorientation du public, il est plus facile de réorganiser les sociétés : des changements spectaculaires de l’ordre économique existant, qui seraient normalement politiquement impossibles, sont imposés en succession rapide avant que le public ait eu le temps de comprendre ce qui se passe.». Pour ne pas se laisser abuser, il faut donc prendre acte des actes : «En définitive, toute forme d’action gouvernementale doit être jugée en fonction de ce qu’elle représente réellement. Nous soutenons l’intervention du gouvernement si elle sert à promouvoir les droits des travailleurs et des minorités, à créer le plein emploi, à fournir des services publics essentiels, à contenir le pouvoir des entreprises, à corriger les dysfonctionnements des marchés, à prendre le contrôle d’industries cruciales dans l’intérêt public. Mais au cours des 18 derniers mois, nous avons assisté à l’exact opposé : un renforcement sans précédent des mastodontes transnationaux et de leurs oligarques aux dépens des travailleurs et des entreprises locales.» Les actes disent la vérité de. «Une dynamique similaire est à l’œuvre aujourd’hui. Prenez, par exemple, les mesures de surveillance high-tech, les cartes d’identité numériques, la répression des manifestations publiques et la multiplication très rapide des lois introduites par les gouvernements pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. Si l’on se fie à l’histoire récente, les gouvernements trouveront sûrement le moyen de rendre permanentes un grand nombre de ces règles d’urgence, comme ils l’ont fait avec une grande partie de la législation antiterroriste de l’après-11 septembre. Comme l’a noté Edward Snowden : « Lorsque nous voyons des mesures d’urgence adoptées, en particulier aujourd’hui, elles ont tendance à être collantes. L’urgence a tendance à s’étendre ». Cela confirme également les idées sur l’« état d’exception » avancées par le philosophe italien Giorgio Agamben, qui a pourtant été vilipendé par le courant dominant de la gauche pour sa position anti-confinement.» L’idéalisme abstrait a fantasmé «un nouvel esprit collectif» «capable de surmonter des décennies d’individualisme néolibéral. Au contraire, la pandémie a encore plus fracturé les sociétés : entre les vaccinés et les non-vaccinés, entre ceux qui peuvent récolter les bénéfices du travail intelligent et ceux qui ne le peuvent pas. De plus, un peuple composé d’individus traumatisés, arrachés à leurs proches, amenés à se craindre les uns les autres en tant que vecteurs potentiels de maladies, terrifiés par le contact physique, n’est guère un bon terreau pour la solidarité collective.». Cet idéalisme abstrait s’articule avec un scientisme qui confond savoirs scientifiques et vérités révélées, absolues. Avec ce scientisme, nous avons à faire à un culte qui ne dit pas son nom, avec une «foi traditionnelle de la gauche dans le rationalisme» : «Cependant, une chose est de croire aux vertus indéniables de la méthode scientifique, une autre est d’être complètement inconscient de la façon dont ceux qui sont au pouvoir exploitent la « science » pour faire avancer leur agenda. Pouvoir faire appel à des « données scientifiques solides » pour justifier ses choix politiques est un outil incroyablement puissant entre les mains des gouvernements. C’est, en fait, l’essence même de la technocratie. Toutefois, cela signifie qu’il faut sélectionner avec soin les « données scientifiques » qui soutiennent son programme et marginaliser agressivement toute autre opinion, quelle que soit sa valeur scientifique.». Ce scientisme machiavélique s’articule avec cette Inquisition médiatique qui est capable de faire d’un véritable scientifique, mais dont les résultats des travaux ne sont pas adaptés aux objectifs des puissants, un charlatan, diffamé par des campagnes médiatiques incessantes. C’est ce qui s’est produit en Angleterre, avec «John Ioannidis, professeur de médecine et d’épidémiologie à l’université de Stanford. Ioannidis a fait la une des journaux au début de l’année 2021 lorsqu’il a publié, avec certains de ses collègues, un article affirmant qu’il n’y avait aucune différence pratique en termes épidémiologiques entre les pays qui avaient mis en place un système de verrouillage (type confinement) et ceux qui ne l’avaient pas fait. La réaction contre cet article – et contre Ioannidis en particulier – a été féroce, surtout parmi ses collègues scientifiques. Dixit Ioannidis, «Le scepticisme organisé était considéré comme une menace pour la santé publique. Il y a eu un affrontement entre deux écoles de pensée, la santé publique autoritaire contre la science – et la science a perdu». Son honnêteté intellectuelle, son éthique, l’ont conduit à une «récente dénonciation cinglante de sa propre profession.» Puisque «Dans un article intitulé « How the Pandemic Is Changing the Norms of Science », Ioannidis note que la plupart des gens – surtout à gauche – semblent penser que la science fonctionne selon « les normes mertoniennes de communautarisme scientifique, d’universalisme, de désintéressement et de scepticisme organisé ». Mais, hélas, ce n’est pas ainsi que fonctionne réellement la communauté scientifique, explique Ioannidis. Avec la pandémie, les conflits d’intérêts des entreprises ont explosé, et pourtant en parler est devenu un anathème. Il poursuit : « Les consultants qui ont gagné des millions de dollars en conseillant des entreprises et des gouvernements ont obtenu des postes prestigieux, du pouvoir et des éloges publics, tandis que les scientifiques qui travaillaient bénévolement mais osaient remettre en question les récits dominants étaient accusés d’être en conflit.» Or si nous pensons à ce qui s’est passé en France et ce qui se passe en France, la valorisation de CERTAINES personnalités, chercheurs, professionnels, et la dévalorisation d’autres PAR LES AUTORITES qui prétendent être capables d’évaluer qui est sérieux et qui ne l’est pas, les citoyens actifs sur les réseaux sociaux ont bien été obligés de constater et de dénoncer des contradictions, des légèretés, des collusions. Racisme social permanent : «le mépris flagrant et la moquerie de la gauche» (qui se prétend être telle mais qui ne l’est pas) «à l’égard des préoccupations légitimes des gens (concernant les confinements, les vaccins ou les passeports sanitaires) sont honteux. Non seulement ces préoccupations sont enracinées dans des difficultés réelles, mais elles découlent également d’une méfiance légitime envers les gouvernements et les institutions qui ont été indéniablement capturés par les intérêts des entreprises. Quiconque, comme nous, est favorable à un État véritablement progressiste et interventionniste doit répondre à ces préoccupations, et non les rejeter.» Les deux auteurs concluent qu’il faut reconnaître, qu’il «convient de mentionner que certains mouvements de gauche, radicaux et socialistes, se sont prononcés contre la gestion actuelle de la pandémie. Il s’agit notamment de Black Lives Matter aux Etats-Unis, des Left Lockdown Sceptics au Royaume-Uni, de la gauche urbaine chilienne, de Wu Mingen Italie et, surtout, de l’alliance des sociaux-démocrates et des Verts qui gouverne actuellement la Suède.», et nous pourrions ajouter de la gauche française, de terrain, non institutionnelle, Gilet Jaune et sociale-républicaine. Mais COMME AVANT, COMME TOUT LE TEMPS SUR TOUS LES SUJETS «tout le spectre de l’opinion de gauche a été ignoré, en partie en raison du petit nombre de médias de gauche, mais aussi en raison de la marginalisation des opinions dissidentes par cette même gauche intellectuellement dominante.». Or, de cet «échec historique de la gauche» (de ces erreurs/fautes d’une fausse gauche), les deux auteurs craignent qu’elle ait «des conséquences désastreuses», parce que «toute forme de dissidence populaire est susceptible d’être captée une fois de plus par l’extrême-droite, réduisant à néant toute chance pour la gauche de gagner les électeurs dont elle a besoin pour renverser l’hégémonie de la droite. Pendant ce temps, la gauche s’accroche à une technocratie d’experts sévèrement minée par ce qui s’avère être une gestion catastrophique de la pandémie en termes de progressisme social. Alors que toute forme de gauche viable et éligible s’évanouit dans le passé, le débat contradictoire et la liberté de ne pas être d’accord, qui sont au cœur de tout véritable processus démocratique, risquent fort de disparaître avec elle.».
[…] en France, dans ce domaine, il y a des bêtes de concours. Dans un premier texte, accessible ici accessible ici, à propos de la tribune publiée par QG, dont les auteurs sont Toby Green (professeur d’histoire […]