Pour la seule Algérie, entre 1962 et 1965, un million de Français d’Algérie ont traversé la mer pour s’installer en France, que peu connaissaient, puisque nombre d’entre eux étaient nés en Algérie, y avaient passé leur vie, n’étaient venus en France métropolitaine que pour une rencontre familiale, un motif commercial ou autre. Pour les autres territoires, pays, colonisés, il y eut également de tels déplacements massifs. Français au même titre que les autres, parce qu’ils avaient des papiers, ils purent s’installer en France, librement, sans contrôle, sans contrainte. Les fonctionnaires furent placés dans leur administration, les autres furent aidés pour trouver un emploi, pour créer une entreprise. Des colons français les plus riches, il n’est jamais question nulle part. Si Germaine Tillion a pu écrire dans « L’Algérie en 1957 « Il y a en Algérie, sur environ 1.200.000 non musulmans, exactement 19.400 colons au sens srtict, dont 7.432 possèdent moins de dix hectares et sont de trés pauvres gens, à moins qu’ils ne soient des retraités, des commerçants, des fonctionnaires possédant un terrain qui ne les fait pas vivres.
Des « vrais colons », il y en a 12.000 environ, dont 300 sont riches et une dizaine excessivement riches. Avec leurs familles, les 12.000 colons constituent une population d’environ 45.000 personnes. Les autres « colons », beaucoup plus d’un million d’êtres humains, sont des ouvriers spécialisés, des fonctionnaires, des employés, des chauffeurs de taxi, des garagistes, des chefs de gare, des infirmières, des standardistes, des manoeuvres, des ingénieurs, des commerçants, des chefs d’entreprise et leur ensemble représente vraisemblablement plus des trois quarts de l’infrastructure économique », cette différenciation entre les « colons », liés à la terre d’Algérie, aux productions agricoles, et les autres, n’est pas pertinente, ni acceptable, puisque l’ensemble du peuplement français d’Algérie consistait en une colonisation, commencée en 1830, soutenue avec dynamisme à partir de 1848 (pendant et par la République !), où les uns et les autres étaient liés dans leur interdépendance. Du début de cette colonisation à sa fin, officielle, les violences furent omniprésentes. Si la production de la colonisation ne fut pas une partie de santé pour nombre de ses artisans et partisans (problèmes de santé, efforts intenses), elle ne le fut pas d’abord pour les colonisés, qui ont subi des agressions, physiques, psychiques/mentales, symboliques-pratiques, comme avec l’adoption du « Code de l’Indigénat », une invention « géniale » pour saper les prétentions, les affirmations, coloniales (cf. par exemple dans l’émission ci-dessous comment l’enseignement fut pratiqué avec et contre les enfants arabe-musulmans).
Le moment qui aurait pu et dû tout changer, ce fut la Libération en France, entre 1944 et 1945. Pour les dirigeants politiques et économiques français, une décolonisation immédiate et rigoureuse n’était pas envisagée, et c’est pour cela qu’ils s’entendirent sur le projet d’une « Union Française« , une Fédération des colonies avec une plus grande autonomie, une intégration politique des colonisés. Mais le parti colonial a saboté les travaux et ces intentions, en se justifiant de son opposition à ce projet par l’existence de forces anti coloniales, par exemple, en Indochine, en Algérie, à Madagascar. Cette décolonisation, réfléchie, organisée, méthodique, qui n’a pas été décidée et réalisée après 1945, elle a donc été menée, dans la précipitation, rapidement, après les accords avec les dirigeants des forces indépendantistes. Les territoires concernés étaient, sont :
Territoire Commencement-fin ou aujourd’hui
Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion | Colonisées aux XVIᵉ et XVIIᵉ siècles, elles deviennent des départements français en 1946 et le sont encore aujourd’hui. |
Algérie | Envahie en 1830 sous Charles X, cette colonie de peuplement devient un département français en 1848. |
Nouvelle-Calédonie | Colonisée sous Napoléon III en 1853, c’est longtemps une colonie pénitentiaire. Elle est depuis 1946 un territoire d’outre-mer français. |
Cambodge, Vietnam, Laos | Conquis à la fin du XIXᵉ siècle, ils forment la colonie d’Indochine en 1877 avec d’autres régions. Saïgon en devient la capitale. |
Tunisie | Ancienne province autonome de l’empire ottoman, endettée, elle devient un protectorat de la République française en 1881 avec le traité du Bardo. |
Madagascar | Le royaume tombe sous le coup du protectorat français en 1882 avant d’être annexé à la France en tant que colonie en 1897. |
Afrique-Occidentale française (AOF) | Créée par la France en 1895 pour régner sur les territoires africains envahis à l’ouest, elle regroupe à terme la Mauritanie, le Sénégal, le Soudan français (devenu le Mali), la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Niger, la Haute-Volta (devenue le Burkina Faso) et le Dahomey (devenu le Bénin). Sa capitale est d’abord Saint-Louis, puis Dakar. |
Afrique-Équatoriale française (AEF) | Créée en 1910, elle regroupe le Gabon, le Moyen-Congo (devenu Congo-Brazzaville), l’Oubangui-Chari devenu Centrafrique) et le Tchad. Sa capitale est Brazzaville. |
Maroc | Il passe sous protectorat français en 1912 avec la signature du traité de Fès. |
Cameroun | En 1918, une majeure partie du territoire colonisé par l’Allemagne est confié, sous mandat de la Société des Nations, à la France. |
Liban et Syrie | En 1920, la France obtient un mandat de la Société des Nations pour administrer ces deux territoires. Leurs indépendances sont respectivement proclamées en 1943 et 1946. |
Si on ne retient que le cas des Français d’Algérie, un million de personnes en trois ans s’installe en France. Ces Français d’Algérie, ne viennent pas seulement avec leurs valises, transportent avec eux leur histoire, leur mémoire, leurs sentiments et notamment leur ressentiment. Nombre l’ont dit depuis : ils avaient une « belle vie » en Algérie, y compris par la beauté, les couleurs, la vitalité, de ces terres. Ils disent souvent qu’ils aimaient, « aiment » cette Algérie – mais le problème, c’est que trop d’entre eux n’aimaient pas les autres habitants de l’Algérie, les… Algériens ! Si tant de cette Histoire entre 1830 et 1962 fut laide, c’est aussi et surtout à cause de ces sentiments des coloniaux français. Cette Histoire de souffrances est intrinsèquement liée à une violence coloniale originaire et constante. Ce ne sont pas les Algériens qui causèrent, les premiers, durablement, profondément, des souffrances aux Français, mais les Français qui ont causé… Installés en France, « nostalgiques », nombre n’hésitèrent pas à se percevoir et se présenter comme des victimes de l’Histoire, puisqu’ils avaient perdu, leur situation, leur maison, leurs biens, la vie là-bas. Autrement dit : ils ont continué à être violents, autrement, notamment via et contre l’Histoire, la VERITE historique. En s’organisant, nombre de ceux-ci ont prolongé en France leur engagement colonial, politique, et c’est principalement à l’extrême-droite qu’ils trouvèrent des soutiens, puisqu’elle est le parti colonial actuel. Via les partis d’extrême-droite, via les chambres d’écho de leurs égos, sur les réseaux sociaux a-sociaux, ils ont… colonisé la France, notamment avec leur haine contre les arabe-musulmans. Cette décolonisation des coloniaux n’a jamais été envisagée, discutée, et, à fortiori, élaborée, entreprise, et, aujourd’hui, il y a, face aux « décoloniaux« , l’activisme des toujours-coloniaux. Et ce d’autant que la décolonisation n’est toujours pas terminée, tant par des territoires, comme la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, que via la « Françafrique » – même si nous sommes en train d’assister au commencement de son agonie. Décolonisation pas plus terminée, par le fait que le capitalisme mondialisé est sa continuité, après les officielles « décolonisations ». Ce n’est pas un hasard si, en 1973, un gendarme a pu tuer la jeune Malika, 8 ans (cf. la note antérieure sur ce blog), EN INVOQUANT, avant d’agresser physiquement cette enfant, par des actes qui ne nous sont pas connus, « LE TEMPS DE L’ALGERIE ». Un homme violent a ainsi été intégré, sans difficulté, dans la gendarmerie, et, après ce crime, jamais condamné par l’In-Justice française, a été muté, pour finir sa carrière violente ailleurs (et où ?).