“Racisme social, Théorie interdisciplinaire des pratiques ploutocratiques de différenciations sociales”, le début d’une présentation détaillée (note 1)

Ce livre, dont vous trouvez ici le début d’une présentation détaillée, synthétise plusieurs années de travail,  de recherches, questionnements. Ce travail a commencé avec des questions sur le racisme, son apparition, ses conditions, ses manifestations, premières, secondes, ses mutations, ses effets. Un travail historique permettait de constater qu’il n’existait aucune explication sur son apparition. Ainsi, brusquement, dans l’Histoire de l’Europe, surgissait l’enfant monstrueux, mais aucune théorie n’en faisait connaître les géniteurs. L’hypothèse de la justification esclavagiste ne tenait pas, puisque cette exploitation humaine sur d’autres humains, traités comme des machines, des animaux, des choses, des forces dépersonnalisées, existait également dans l’Antiquité, sans qu’elle ait pour corollaire, ce rapport moral, intellectuel, politique, inégalitaire. La naissance de ce mal s’est donc effectuée entre la fin de l’Antiquité et notre époque, mais quand, comment, par qui, pourquoi ? Ce travail, largement développé dans ce livre, a ainsi pu établir que le racisme, qui devient doctrines, discours explicites, au 19ème siècle, a commencé plutôt, sans être nommé en tant que tel, sans que ses mots, tardifs, soient les mêmes dans ses commencements. Il a donc fallu clairement identifier les éléments de langage, les « logiques », du racisme européen, occidental, qui constituent des politiques ou des projets politiques, afin de faire sa « généalogie », en découvrant que, précisément, le souci généalogique a joué un rôle dans cette genèse. 

« C’est ce que nous explique Natalia Muchnik, dans « Pureté de sang et culture généalogique dans l’Espagne moderne » : « Entre 1694 et 1697, Luis de Salazar y Castro (1658-1734), le « prince des généalogistes », rédigeait les quatre volumes de l’« Historia genealógica de la Casa de Lara justificada con instrumentos, y escritores de inviolable fe », dans laquelle il retraçait, à grand renfort de références documentaires, blasons, tableaux généalogiques et annexes justificatives, l’histoire de l’un des principaux lignages de Castille. (…) Portée par le poids des Ordres militaires et la faveur des statuts de pureté de sang, la généalogie intéresse bien au-delà des cercles nobiliaires, puisqu’elle finit par concerner quotidiennement l’ensemble de la population qui manifeste une conscience aiguë de son importance. Alors que les élites se lancent dans la quête mythique d’ancêtres fondateurs, il s’opère une véritable inflation généalogique par laquelle se re-fabriquent des ascendances suspectes ». C’est que, entre-temps, entre les premiers temps de la noblesse européenne et ce 16ème siècle, des menaces sur une « perfection familiale », communautaire, ont été « identifiées » par les membres de ces groupes, par le mélange du sang (contre la « pureté du sang »), par une hérésie ou un engagement dans la foi musulmane (contre une « pureté chrétienne »). En 1559 de Orce de Otalora n’hésite pas à affirmer : « Les Juifs par leur crime de lèse-majesté divine et humaine, ont perdu toute sorte de noblesse et de dignité, et le sang de celui qui a livré le Christ est à un tel point infecté que ses fils, ses neveux et leurs descendants, tout comme s’ils étaient nés d’un sang infecté, sont privés et exclus des honneurs, des charges et des dignités. L’infamie de leurs pères les accompagnera toujours ». (extrait).

Il s’agit d’être des purs, des purs-chrétiens : les « impurs » sont les Juifs et les autres, les non-nobles. Nous nous trouvons là à la conjonction du racisme social et du racisme. Mais si les Juifs ont pu ainsi devenir des « impurs », inférieurs, les non-nobles l’ont été avant eux, selon les affirmations de la noblesse. Le racisme social a ainsi précédé le racisme. Il est la conséquence de la construction, en Europe, d’hyper-riches, et dans le même temps, d’une majorité pauvre, dont la situation est, selon les lieux, les saisons, les époques, plus proche de la survie que de la vie. Or cette construction a pris corps pour la première fois dans l’Antiquité, notamment dans les cités grecques, avec l’apparition des premières familles enrichies, et l’apparition des premiers privés de tout et de l’essentiel. C’est qu’il nous appartient de ne pas massifier et simplifier les groupes des « pauvres » et des « riches » : si, dans l’espace et le temps de l’Histoire, les pauvres ont été ET sont la majorité civique de ce monde, il n’est pas possible d’user de ce vocable pour désigner celles et ceux qui ont peu MAIS qui ont l’essentiel et plus que l’essentiel pour vivre, et celles et ceux qui en sont réduits à la pure et simple survie, existentielle. Si nous subissons des différenciations intellectuelles, sociales, politiques, artificielles et dangereuses, avec le racisme, il faut lui opposer des distinctions, de signifiants, intellectuelles, inspirées par les nuances de la réalité, laquelle est omnicolorée. Il en va de même de celles et ceux qui peuvent être qualifiés de « riches » : ils ne sont pas tous les mêmes, puisqu’il y a les plus des plus, ceux qui se situent au sommet des sommes astronomiques, et qui, comme un célèbre milliardaire américain, voudrait relier son étoile financière aux étoiles cosmiques. Humains-chiffres, leurs personnes sont connues à travers des séries de chiffres, tels des codes universels, où leurs milliards sont liés aux milliards de la population humaine totale, puisque ce sont de son existence, de ses productions, de ses salaires, de ses échanges, qu’ils naissent de l’écume des ruissellements, telle Aphrodite. Mais là où les Grecs voyaient la Beauté naître du Beau, nos humains des plus, sont monstrueux, puisqu’ils ont perdu leur humanité en devenant autre, en allant au-delà, des limites économiques antérieures, dans une « transsubstantiation ». Leurs milliards leur offrent tout, « gratuitement », puisque ce qu’ils payent pour leur vie est, en général, dans une proportion minuscule, comme si nous, quand nous faisons nos courses alimentaires, la facture réclamée en caisse se chiffrait en centimes d’euros. Des premiers riches, Grecs, à nos plus riches d’aujourd’hui, chacun comprend bien qu’il y a eu des évolutions-mutations, telles, que des mots, des définitions, des compréhensions, adaptés, sont requis. C’est l’une des ambitions de cet ouvrage : contre des différenciations sociales, dangereuses, criminelles, nous devons distinguer entre les plus responsables, coupables, leurs serviteurs les plus zélés, mais aussi la masse des moutons qui suivent, des « idiots utiles » de la ploutocratie mondiale dont il faut bien être capable de pardonner les erreurs, puisqu’ils « ne savent pas ce qu’ils font ». Mais pardonner ne signifie pas, ne pas parler et ne pas réclamer des changements, et, en cela, une des leçons de l’expérience chrétienne est que, s’il ne faut pas vouer aux gémonies sur des préjugés, il est pertinent, important, de solliciter de la conscience, puisqu’elle est au coeur de tous nos problèmes comme de toutes nos solutions à ces problèmes. 

La photographie en couverture est de Jocelyne Djoyce, avec la participation décisive de Doums. Et cette série photo est un hommage.

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