“Cafés-Philo en France (…) Education & Philosophie, L’humiliation” : à l’ombre des Cafés Philo, 30 années de racisme social/racisme en France (note 1)

Lorsque les cafés-philo sont apparus en France, à partir du premier d’entre eux, avec Marc Sautet au Café des Phares à Paris, Bastille, la France était en train d’en finir avec une décennie du Mitterrandisme, à partir duquel et à propos duquel, il y eut, pendant ces années, des “illusions” sociales, des distorsions de perceptions, parce que certains se sont ingéniés à le faire apparaître pour ce qu’il n’était pas. Une des premières actions politiques majeures a consisté à lier le PS à “la gauche”, Mitterrand, également, alors que ni l’un ni l’autre n’appartenaient à ce camp politique, puisque, au contraire, ils avaient travaillé, ils travaillaient contre lui, quasi systématiquement. Evidemment, ce parti de droite savait “respecter les formes”, ménager la chèvre et le chou, et, quand il y eut des mobilisations sociales, hors cohabitation, faire le dos rond, laisser penser qu’il “entendait”, qu’il “négociait”, et, pendant les cohabitations, entre 1986 et 1988, faire croire qu’il les soutenait. Mais des historiens/économistes ont pu démontrer que pendant les années 80, les dirigeants du PS ont engagé la politique nationale sur les principes néo-libéraux, dont nous subissons aujourd’hui la réalisation, puisque c’est encore du PS que la majorité actuelle, le résident de la République, sont sortis, à tous les sens du terme. Il y eut donc maldonne. Puisque les cafés philo naissaient à la fin de cette période, alors que la droite, qui se confond avec le pouvoir politique et économique en France, s’apprêtait à revenir de manière explicite aux “responsabilités” (des irresponsables, puisqu’ils revendiquent en amont les “responsabilités”, et en aval, d’être juridiquement irresponsables), on pouvait s’attendre à ce qu’un bilan critique y soit discuté, et que les dialogues entre les participants des cafés-philo puissent, pour l’avenir, tracer des perspectives, déterminer des sujets, critiquer les éléments de langage des pouvoirs institués. Evidemment, c’est ce que firent, à des degrés divers, nombre de ces lieux, mais, en 1998, le décès de Marc Sautet faisait disparaître le seul représentant de ce mouvement qui avait été, un peu, accepté dans les médias nationaux. Son décès ne fut pas l’occasion, par exemple, d’Etats généraux des cafés-philo, parce que, parmi ceux qui en animaient régulièrement, personne n’en fit la proposition, en en justifiant la nécessité, la pertinence. Puisqu’il n’y eut, avant même son décès, et après celui-ci, aucun rassemblement qui aurait permis de penser ce qui, en peu d’années, avait été accompli, les principes, les résultats, les problèmes, les cafés-philo vécurent tant de l’engagement des animateurs que de la présence des participants, mais, sans boussole, sans cadre de travail commun, sans échanges réguliers, à une époque où les moyens actuels n’existaient pas, la dynamique engagée au début des années 90 n’a pas été maintenue, augmentée significativement – significativement, c’est-à-dire dans une proportion qui aurait eu des effets, puisqu’il y a eu, il y a encore, de nouveaux cafés-philo qui apparaissent, quand d’autres ont déjà disparu, disparaissent. Or, entre 1998 et 2001/2002, la situation en France va passer du “devoir d’inventaire” jospinien, superficiel, d’une hésitation entre une politique nationale orienté vers le social-libéralisme (ou un libéralisme-social) ou un social-souverainisme, à une crise de nerfs, nationale et internationale. Pendant sa très mauvaise campagne électorale pour l’élection présidentielle de 2002, Lionel Jospin a proposé un plan pour qu’il n’y ait plus une personne sans domicile en France. La proposition fut moquée, raillée, et Jospin l’oublia bien vite. Vous imaginez : se soucier des sans, qui dorment, ou meurent à la rue, quelle idée, quelle importance ! L’importance vit avec les gens importants.

Le 21 avril 2002, le Jospinisme, qui, pourtant, avait conquis en force la majorité à l’Assemblée Nationale cinq ans plus tôt, était balayé, et son mentor faisait le choix de disparaître de la politique spectacle (avant d’accepter une place confortable dans le Conseil Constitutionnel de la Constitution d’extrême-droite de 1958). Ses quelques résultats positifs avaient été éclipsés par une pléthore de mauvais choix contre les travailleurs, contre les pauvres, avec la présence de ces libéraux-sociaux (un slogan politique dénué de toute réalité), dont l’éminence grise était DSK. Plusieurs candidatures, notamment de personnalités qui avaient été membres de ses gouvernements, avaient contribué à la dispersion des voix, comme cela fut le cas en 2022. La pseudo gauche (le PS) de 2002 avait adoré perdre, la droite en était enchantée. La faiblesse du dynamisme des cafés-philo, entre 1998 et 2001/2002, a empêché cette force populaire originale de s’opposer aux dérives politico-médiatiques, tant de la majorité en place, de l’extrême-droite qui montait en force, et des médias qui avaient DEJA pris un virage favorable à l’extrême-droite, par des reportages télévisuels préparés pour soutenir ses thèmes et ses affirmations, par des journaux télévisés DEJA indignes, indigestes, frelatés, de manipulation. Si beaucoup des animateurs et des participants des cafés-philo manquèrent de lucidité politique sur ce qui était en train de se tramer, sur les réponses qu’il convenait de donner à ces dérives, c’est que leurs dialogues entre eux furent insuffisants, au sein même de ces lieux, mais aussi entre ces lieux, et ce parce que les moyens actuels de communication n’existaient pas. Ce n’est pas que les uns et les autres ne voulaient pas que ces dialogues puissent se faire, mais les moyens de les faire n’étaient pas là. Contre ces dialogues civiques de faible puissance sociale, les monologues politico-médiatiques étaient DEJA surpuissants, comme ils le sont encore aujourd’hui. Nombre d’animateurs des cafés-philo furent ignorés par les médias locaux, au profit de commentateurs orientés à droite ou pire encore. Le 21 avril 2002, l’Histoire de France a basculé : nous sommes entrés dans le tunnel d’où nous ne sommes pas sortis. Réunis à République, une foule immense a été dupée par un Jacques Chirac hilare : lui qui pensait qu’il allait perdre lors d’un second tour face à Lionel Jospin, venait de remporter l’élection présidentielle en écrasant Jean-Marie Le Pen, par la pure addition arithmétique des voix. Tous les électeurs et électrices de gauche votèrent comme un seul homme, pour un seul homme : à peine avait-il reçu ce plébiscite qu’il se dépêcha de leur tourner le dos. Merci, pour tout. Jacques Chirac fit le choix de se tourner vers la droite de sa droite ET vers l’extrême-droite, laquelle avait donc été écrasée au second tour par un vote de gauche qui, stupidement, avait accordé ses voix au déjà élu de l’Elysée, sans que celui-ci prenne le moindre engagement, fasse la moindre concession. Le soir même du 21 avril, le candidat des Verts, Noël Mamère, ne prit même pas le temps de consulter, d’annoncer qu’il allait consulter. Au nom de “l’émotion”, il ordonna de voter Chirac, et il fut imité en cela par d’autres. Depuis ce jour funeste, la vie publique en France est devenue un lent cauchemar, qui a commencé par la nomination de quelques sinistres : Nicolas Sarkozy, François Fillon, Luc Ferry, Gilles de Robien, Jean-François Mattéi, Jean-Jacques Aillagon, Patrick Devedjian, Xavier Darcos, Jean-François Copé.

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