« Cafés-Philo en France (…) Education & Philosophie, L’humiliation » : les révélations du structurel racisme social français, des années 90 à aujourd’hui

Des cafés-philo, le livre indiqué ci-dessous, interroge la possibilité tant d’un malentendu et d’un échec, mais il est certain qu’il y a eu bien des malentendus à leur propos, de l’extérieur même de ces lieux. Malentendu ? Il faut dire que, plus on est éloigné d’un point où une parole humaine existe, plus il est difficile de l’entendre. Mais le fait de ne pas avoir bien entendu ce qui a été dit provient aussi bien souvent d’une audition sans attention, avec peu d’attention, alternant attention et « tête ailleurs », ou pire encore, quand il y a eu audition et non-compréhension, involontaire ou volontaire, de ce qui a été dit. Ainsi, des personnes qui ont « entendu parler » des cafés-philo, qui ont vu des « images » d’un reportage-télé, consacré à un tel évènement social, ont pu reprendre une évaluation médiatique superficielle, selon laquelle il s’agissait tant d’une « mode », que d’une forme de mondanité populaire – à l’instar des salons aristocratiques du 18ème siècle. Ce « malentendu » entendait réduire le café-philo à un blabla populaire, sans importance, puisque seules leurs paroles de gens importants étaient importantes. Les participants de ces lieux pouvaient donc entendre la parole habituelle du racisme social français : les importants font l’importance, ce qui a du poids et de la valeur, les « gens qui ne sont rien », parlent pour rien. L’affaire était… entendue. Pourtant, les juges des distinctions sociales se révèlent eux aussi être des « beaux parleurs », qui tiennent absolument à être entendus, comme si nous nous trouvions dans le même espace physique, comme si nous pouvions répondre, leur répondre. Sauf que, en fait, non : ces « discoureurs » entendent être entendus, mais n’entendent nullement devoir entendre la réponse des « autres », ces « anonymes », ces « citoyens lambda », comme peuvent le dire des plumitifs du racisme social. Il faut faire comme s’il y avait dialogue, pour pratiquer le monologue constant. « Madame, monsieur, bonsoir » : tel le présentateur de JT, il faisait, fait, semblant de s’adresser à nous alors que, concrètement, il nous ignore. Superbement. Les cafés-philo assuraient qu’il y allait y avoir une rupture avec cette mono-logique, et il y eut rupture. Mais, comme tout mouvement de balancier, la confiscation sociale de la parole publique par un petit nombre, suscita une passion pour d’autres monologues, par des participants, par des habitués, par des narcissiques qui venaient pour dire qu’ils avaient tout vu, qu’ils savaient tout, qu’ils avaient tout compris. Le cap ne consistait pas seulement à permettre aux uns et aux autres de parler, mais de faire vivre de vrais dialogues, ce qui exigeait, conditions, état d’esprit, vigilance, interventions. Il y eut, sans aucun doute, de nombreux cafés-philo, remarquables, enthousiasmants, prometteurs, il y en eut aussi d’autres qui tournèrent en rond, qui ne décollèrent jamais, qui furent même, il faut y insister, saboter, parce que cette vie civique nouvelle était, aux yeux de certains, bien trop dangereuse. Pour celles et ceux qui firent, vécurent, ces cafés-philo, entre 1994 et 1998 (année de la mort de Marc Sautet), ils n’y virent jamais les « importants » : toujours ailleurs, toujours retranchés derrière des murs, comme le résident de la République dans son bunker aux allures de palais du 18ème siècle. Ils n’y virent pas plus, les « acteurs » connus, les artistes, connus, les « intellectuels » connus (sauf exception et souvent pour faire un passage éclair). Ces gens-là sont « importants », parce qu’ils sont des fantômes de la cité : on les entend partout, ils sont nulle part. Les cafés-philo avaient une requête et un sens, exceptionnel : l’incarnation. D’autant que, in situ, les « importants », réputés brillants, se révèlent bien médiocres, pour ne pas dire pire. C’est aussi pour cela qu’ils fuient de tels face-à-face. Et il y avait donc, il y a encore, ceux qui ne fuient pas. Il y avait donc une « révélation », factuelle, des cafés-philo : ceux et celles qui font la cité sont là, ceux et celles qui ne sont jamais là, préfèrent défaire la cité… De 1998 à aujourd’hui, nous allions assister à la montée en puissance de cette sélection sociale, médiatique, politique, avec des zoos humains, des « haras » humains (avec des émissions de Télé-irréalité, pour fabriquer des jeunes à succès), et, désormais aussi, à nouveau, la chasse à l’homme : la traite des humains COMME les animaux allait se déployer. Au Café-Philo, cette promesse était au moins tenue : tant que nous ne sommes pas privés de la parole, nous avons les moyens de nous faire entendre, comprendre, de nous comprendre les uns les autres et de travailler à nous libérer, si cela est nécessaire. Et de 1998 à aujourd’hui, nous allions assister aussi à la stagnation des cafés-philo, quand cela ne fut pas leur pure et simple disparition. C’est que les enjeux, le SENS, ne furent pas nécessairement et fortement mesurés. Mais la parole est le Bain de jouvence même : tout peut reprendre, quand le DESIR, réellement, est là…

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