“Paris (AFP) – L’eurodéputée écologiste Marie Toussaint, tête de liste pour les élections européennes, lance une campagne contre la “pauvrophobie d’État”, c’est-à-dire les politiques discriminantes vis-à-vis des précaires, et a saisi la défenseure des droits concernant les pratiques de la Caisse nationale d’assurance famille (CNAF).” C’est ce que l’article du “Nouvel Obs”, paru le 8 janvier 2024, sous le titre, “Marie Toussaint lance une campagne contre la “pauvrophobie d’Etat””, fait savoir. Un site-pétition explique l’usage de cette expression et cette mise en cause par le texte reproduit ci-dessous.
Des passages sont mis en avant et commentés, à savoir :
- La première phrase met en cause la CNAF, en indiquant qu’elle “s’en prend aux plus vulnérables, comme si leur vie n’était pas déjà un parcours de combattant“. “S’en prendre“, c’est une mise en cause justifiée, parce qu’il y a une démarche volontaire, qui, en effet, cible des personnes fragiles (“aux plus vulnérables”), lesquelles, à priori, n’ont pas besoin d’être affaiblies plus encore, mises en difficulté plus qu’elles ne le sont.
- la révélation sur l’algorithme, faite par la Quadrature du net il y a quelques jours, concerne une pratique qui remonte à 2010, il y a donc déjà presque 14 ans. Il est qualifié de “discriminant” : à savoir que par un profilage économique, des personnes se retrouvent automatiquement ciblées. Le fait paraît certain, même si l’administration nie.
- pétition articulée à une liste en campagne, celle-ci demande un “droit de veto social“, formule dont il faut alors comprendre le sens.
- cette pratique est reliée à d’autres, un “contexte“, à savoir une “politique de réduction des droits des plus vulnérables, signe d’une véritable pauvrophobie d’État, résumée par la phrase d’Emmanuel Macron qui parlait de “ceux qui ne sont rien”. En effet, il y a une politique de réduction, VOIRE DE SUPPRESSION des droits, et ce des droits des personnes déjà citées, les plus vulnérables. Autrement dit : des personnes en grande difficulté, affaiblies, se voient privées de tout ou partie du peu auxquelles elles ont droit. Le texte affirme que ces pratiques démontrent une “pauvrophobie” d’Etat. Les mots ont des sens précis. Si celui de racisme est justifié par la croyance/discours sur l’existence des races, des rapports entre ces races, de la hiérarchisation de, la pauvro-phobie signifie donc qu’il y a, comme dans la xénophobie, une peur (phobie), envers les pauvres, de la part de celles et ceux qui ne le sont pas. Or, comme nous l’avons démontré dans la note récemment publiée “Racisme social/racisme : pour répondre à des incompréhensions ou des mauvaises interprétations de ce qui est dit ici et dans le livre…“, la peur incite à des mesures de protection de soi, quand la haine, elle, conduit à des attaques. Or ces actes administratifs et économiques privent des personnes qui ont peu de ressources de toute ou partie de ce peu, grâce auquel, seulement, elles survivent, un état, la survie, dans lequel elles ne constituent pas une menace pour les décideurs de ces mesures, lesquels, donc, ne peuvent ressentir, dans un tel cadre, une peur. Un homme qui est agressé, voire, tué, par racisme, accepterait-on de dire qu’il a été tué en raison d’un désaccord inspiré par des considérations de différenciation sociale ?! Le terme de “pauvrophobie” est un euphémisme. Si son usage démontre que, en raison de l’existence et de l’extension de ces pratiques agressives envers les personnes les plus fragiles, il n’est plus possible de nier leur existence, leur gravité, leur intention mauvaise, injustifiée, la préférence pour un euphémisme indique que cette reconnaissance/acceptation fera l’objet de dénégations, totales ou partielles, de détournements, afin d’en limiter l’expression, la prise de conscience, les volontés de combattre ce qui est aussi grave que le racisme, le racisme social.
- le texte cite des actes qui démontrent que l’Etat prive ces personnes fragiles d’un accès à des actes médicaux, ou au contraire, les oblige à réaliser des heures de production (travail), sans les nécessités juridiques et financières de reconnaissance de cette production dues à tous les autres travailleurs, c’est-à-dire en créant un nouveau statut social, proche de celui de l’esclavagisme.
- la référence à la phrase présidentielle sur “ceux qui ne sont rien” était évidemment logique, imparable.
- la pétition se poursuit par cette évolution du propos, par sa généralisation (Europe), mais aussi par un renversement typiquement ploutocratique, devenu un réflexe pavlovien inconscient (ou conscient ?), par la qualification négative de la pauvreté, en disant que ” Plus d’une personne sur cinq est menacée de pauvreté ou d’explosion sociale” (1). En effet, affirmer que des personnes sont MENACEES DE PAUVRETE, c’est donc définir la pauvreté comme un mal, alors que la majorité civique est composée par ces pauvres, mais qu’il y a une différence entre les pauvres qui ont près de 2000 euros par mois pour vivre, avec ceux qui survivent avec le RSA. Or si de telles mesures d’économie sont prises contre cette partie de la population, au chômage, avec peu, au RSA, c’est POUR NE PAS plus imposer les plus fortunés. Or, quelle est la logique économique recherchée ? Le sens de “l’enrichissement”, le plus partagé, et nous constatons que cette logique est un mensonge et n’existe pas, ou celui d’une pauvreté générale assumée, MAIS AVEC un niveau de vie décent ? Le texte paraît reconnaître une responsabilité à “l’Europe”, (l’UE), qui a “trop cédé au marché”, en oubliant de faire ce qui était à faire pour “ne laisser personne de côté”. Parce que les personnes de côté se comptent en millions. Comme des millionnaires se comptent aussi en millions. Si tant d’argent public n’existe plus, pour des emplois, des services publics, etc., c’est parce que tant du même argent public est capté par les plus fortunés, aisés. LE problème politique, économique, social, se trouve donc du côté de la richesse, des riches et du culte envers la richesse et les riches.
- Le texte répète qu’il y a “mépris, la peur et la stigmatisation des personnes en situation de précarité ; en somme, des pauvres“. Les auteurs du texte constatent donc qu’il y a indéniablement des rapports négatifs aux pauvres et à la pauvreté.
- C’est dans cette partie du texte que “le droit de véto social” est exprimé, expliqué : il s’agit d’une mesure “qui permettrait de faire de la lutte contre la pauvreté et les injustices sociales la colonne vertébrale de l’action européenne, et par effet ricochet en France“. HELAS, ce texte reprend cette formule typique de la logique ploutocratique, avec la LUTTE CONTRE LA PAUVRETE. Le même texte paraît exprimer un soutien envers les plus pauvres, en mettant en cause des intentions et des actes contre les pauvres, mais “en même temps”, utilise cette expression de LUTTE CONTRE LA PAUVRETE, alors que, puisqu’il s’agit d’être en soutien des pauvres, il s’agit donc de LUTTE POUR LES PAUVRES ! La définition du “droit de veto social” est donnée par cette explication : “aucune mesure votée dans l’Union européenne ne puisse dégrader les conditions de vie des plus précaires. Il est temps que l’Europe protège ceux qui n’ont pas bénéficié de la construction européenne, pour que l’Europe, terre de Paix et des Droits humains, prospère“. Il s’agirait donc d’empêcher que les conditions de vie se “dégradent” plus, de stopper un processus de privations augmentées. Le propos distingue les déjà privés de, des bénéficiaires de “la construction européenne” : il y aurait donc une construction qui aurait permis à beaucoup d’être des “bénéficiaires”. Ce sujet est trop complexe pour le commenter en peu de mots ici.
- concrètement, le texte paraît se contredire, en évoquant le maintien de l’existence des “plus pauvres”, sans les définir concrètement, généralement et pays par pays, plus pauvres qui seraient sollicités pour évaluer “toute législation européenne (…) évaluer l’impact de tout projet de réforme sur les 10% à 20% les plus pauvres (ex : impact sur le revenu disponible réel ou impact sur le taux de pauvreté) pour éviter toute discrimination socio-économique cachée“. De manière implicite, le texte implique qu’il y aurait donc encore des intentions, des législations, ploutocratiques, qui visent les pauvres, qui ne seraient donc pas possibles de bloquer dès le départ, au sein même de l’UE, mais pour lesquelles les personnes concernées seraient “consultées”, “pour ne plus confisquer la voix des plus fragiles”, et “si ces étapes préalables n’ont pas permis d’aboutir à un texte socialement juste, les populations ou les eurodéputé.e.s pourront saisir une instance indépendante (comme la Défenseuse des droits en France), pour activer le droit de véto et stopper le processus législatif.” Comment imaginer que l’UE puisse étudier, préparer, voter une législation, et voire celle-ci être bloquée par une partie de la population européenne, et/ou par une instance indépendante ?
Conclusion : le propos, l’intention, sont, en partie, louables, positifs. Pour la première fois, la signification d’une attaque contre les pauvres est clairement exprimée, même si c’est par un euphémisme. Le terme choisi (pauvrophobie) n’est pas expliqué, justifié, en tant que tel, sauf par des exemples (incomplets). Le coeur du propos est double : la moitié est clairement contradictoire, avec un discours pour/contre les pauvres, la pauvreté, et la seconde concerne le droit de veto, ce qu’il serait, dont les présupposés sont aussi contradictoires. Un tel texte acte une prise de conscience des attaques des Etats contre la majorité civique, mais ne parvient pas à exprimer une pensée cohérente, un projet également cohérent.
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“La CNAF, la Caisse Nationale d’Assurance Famille, créée pour soutenir la cohésion sociale, le vivre ensemble s’en prend aux plus vulnérables, comme si leur vie n’était pas déjà un parcours du combattant.
Depuis 2010, cette administration publique utiliserait un algorithme discriminant. Plus vous êtes vulnérable plus l’algorithme vous soupçonne: être en situation de pauvreté, être une famille monoparentale ou encore recevoir une allocation adulte handicapé (AAH) vous place en haut de la liste des personnes à contrôler de toute urgence. Une enquête du Monde, LightHouse Report et la Quadrature du net documente la violence du système envers les plus vulnérables. L’administration dément.
Oui, vous avez bien lu.
Et ça se passe en France, depuis 2010, pas dans Black Mirror. Comment est-ce possible ?
Nous demandons la mise en place d’un droit de véto social en Europe.
Ces pratiques honteuses ne sont malheureusement pas isolées, et s’inscrivent dans un contexte politique de réduction des droits des plus vulnérables, signe d’une véritable pauvrophobie d’État, résumée par la phrase d’Emmanuel Macron qui parlait de “ceux qui ne sont rien” :
– Déremboursement des frais dentaires,
– Volonté de supprimer l’aide médicale d’Etat
– Travail d’intérêt général pour familles dites « défaillantes » (lire « pauvres ») proposé par la Ministre des Solidarités et des Familles en personne…
En Europe, la précarité explose. Plus d’une personne sur cinq est menacée de pauvreté ou d’explosion sociale. En cause ? Une Europe qui a trop cédé au marché oui, et oublié de rendre concret le principe de « ne laisser personne de côté ». Mais aussi des politiques nationales qui, comme en France, nourrissent le mépris, la peur et la stigmatisation des personnes en situation de précarité ; en somme, des pauvres.
Ce n’est pas inéluctable. Il est une mesure qui permettrait de faire de la lutte contre la pauvreté et les injustices sociales la colonne vertébrale de l’action européenne, et par effet ricochet en France : un droit de veto social européen, pour que plus aucune mesure votée dans l’Union européenne ne puisse dégrader les conditions de vie des plus précaires. Il est temps que l’Europe protège ceux qui n’ont pas bénéficié de la construction européenne, pour que l’Europe, terre de Paix et des Droits humains, prospère.
Avec le droit de véto social européen, toute législation européenne devra démarrer par une consultation des personnes concernées – pour ne plus confisquer la voix des plus fragiles – et évaluer l’impact de tout projet de réforme sur les 10% à 20% les plus pauvres (ex : impact sur le revenu disponible réel ou impact sur le taux de pauvreté) pour éviter toute discrimination socio-économique cachée. Si ces étapes préalables n’ont pas permis d’aboutir à un texte socialement juste, les populations ou les eurodéputé.e.s pourront saisir une instance indépendante (comme la Défenseuse des droits en France), pour activer le droit de véto et stopper le processus législatif. Services publics, aides sociales, accès à la santé ou au logement, transition écologique… Donnons-nous enfin les moyens de mettre la pauvreté KO et d’assurer une transition juste pour tous et toutes.
Nous demandons la mise en place d’un droit de veto social en Europe. Face aux injustices, la solution c’est la mobilisation. Aidez-nous à rétablir un monde de justice. Signez et faites signer la pétition. Merci de votre soutien ! (LISTE ECOLOGISTE POUR LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DU 9 JUIN 2024)
(1) explosion sociale ?