Racisme social/racisme : pour répondre à des incompréhensions ou des mauvaises interprétations de ce qui est dit ici et dans le livre…

La parution du livre « Racisme social : théorie interdisciplinaire des pratiques ploutocratiques de différenciations sociales » a été accompagnée par plusieurs présentations, explications, écrites, en ligne sur ce blog « Racisme social », sur la page Médiapart du collectif Chronik, mais aussi, une, orale, à l’occasion d’un « Space » sur Twitter, qui a duré plus de 4 heures. Plusieurs échanges via Twitter ont démontré que des personnes qui n’avaient, n’ont pas, lu l’ouvrage (ce qui relève de leur liberté, dans la mesure où il s’agit d’un bien qu’il faut payer), mais aussi n’ont pas pris le temps de venir sur le blog, pouvaient affirmer sur et contre cette expression, le « racisme social », des préjugés, sans rapport avec son sens, ni avec ce qui a été publié, dans le livre comme sur le blog.

Une affirmation qui a été répétée plusieurs fois est que cette expression ou relativisait le fait raciste, affaiblissait les luttes contre le racisme, ou pire, « invisibilise » le racisme. Puisqu’il est légitime que des personnes se refusent à lire le livre « Racisme social… » dans la mesure où il faut pour cela se le procurer, une visite de ce blog aurait permis à ces personnes de constater que le travail exprimé tant dans le livre que sur le blog traite objectivement, régulièrement et fortement, du racisme, en lien ou sans lien avec le racisme social. En outre, il apparaît étrange que, dans le monde dans lequel nous vivons, il soit possible d’invisibiliser ou relativiser le racisme, alors qu’il est omniprésent, perçu EN TANT QUE TEL (ce qui est important pour la conscience, pour les luttes contre), quand le racisme social, lui, bien que tout aussi omniprésent selon nos perceptions et analyses, n’est pas autant perçu comme tel, quand il n’est pas, LUI, nié, y compris par des personnes qui disent avoir le souci du et contre le racisme, être engagées dans les luttes qui le concernent. Les seules qui tiennent à le rendre non perçu ou le moins perçu possible sont les personnes qui le pratiquent le plus : en effet, il est possible de lire sur les réseaux sociaux des racismes affirmer que le racisme n’existe pas… Une lecture même partielle mais substantielle du blog leur aurait permis de constater que, depuis que ce blog a été créé, le racisme aura été le sujet d’un très grand nombre de notes, textes, mais aussi de vidéos, partagées, et ce dans l’orientation d’en avoir la plus grande connaissance, individuellement comme collectivement, et qu’il continuera à l’être dans la mesure où, hélas, le racisme est encore omniprésent, et bien plus encore, à cause des moyens étendus d’expression. Cette même lecture aurait permis de constater que, entre le racisme social et le racisme, l’auteur ne faisait, ne fait, aucune hiérarchie, comme si ce que nous apprend le racisme nous incitait à reproduire ses spécificités, ses tropismes, ses erreurs, ses fautes, ses crimes, ses dangers, tous liés par ce problème de la hiérarchisation.

Si les deux phénomènes méritent d’être qualifiés par la même racine, le « racisme », c’est qu’ils sont liés, tout en étant distincts, comme deux frères maudits. Comme expliqué dans cet entretien réalisé sur Twitter, c’est un travail sur le racisme qui a conduit à une enquête plus approfondie, parce que les travaux existants, publiés, la plupart pertinents, laissait de côté la problématique de la genèse du racisme, c’est-à-dire de l’identification de son apparition, et des conditions de possibilité de cette apparition, et ce puisqu’il n’est pas possible qu’il soit apparu ex nihilo, comme étant, par exemple, seulement l’ombre de l’esclavagisme colonial, avant ses théorisations du 19ème siècle. Dès lors que, à partir d’un certain nombre de faits, nous pouvons définir ce que fut le racisme, praxis et théorie, il est apparu que cette logique qui articule un phénomène inversé, avec, d’un côté, une valorisation de sujets spécifiques, spéciaux, et de l’autre, la dévalorisation de sujets, dès lors, tout aussi spécifiques, spéciaux, avait été la reproduction d’une même logique de différenciation qui, antérieurement, ne visait pas, pour les sujets dévalorisés, des personnes extérieures à la communauté racialisée, comme dans le racisme (couleur de peau, localisation, pratiques culturelles, cultuelles), mais des personnes intérieures à une communauté elle aussi racialisée, dès lors qu’il y eut l’affirmation d’une classe-race séparée, en raison de ses particularités ontologiques, comme son sang. Et cette apparition après le premier millénaire s’est faite en Europe, dans l’Europe du sud, Espagne, Portugal, en lien avec toutes les noblesses européennes, par la prétention d’être doublement à part, à la fois très-chrétien, et ayant un sang spécifique, de valeur supérieure aux autres, à protéger par une interdiction de croisement avec des êtres humains « différents ». Près de mille ans plus tard, le racisme social, désormais souvent accompagné par le racisme, est, chaque jour, démontré, par des attaques contre les pauvres, la pauvreté, par des discours, des actes physiques (et les discours sont aussi des actes physiques), des législations. Par exemple, en France, les personnes au chômage, qui perçoivent une allocation, les personnes au RSA, peuvent être attaquées par des contrôles, de niveau supérieur à ceux exercés sur les fraudeurs fiscaux les plus fortunés, et quand pour ceux-ci il y a tant de mansuétudes, des “pardons” financiers, avec des “ristournes”, les plus pauvres qui survivent avec quelques centaines d’euros par moi peuvent en être totalement privées sur une décision administrative, passant ainsi de ces centaines d’euros, pourtant nécessaires pour payer le loyer, l’alimentation, les dépenses énergétiques, l’habillement, etc, à rien. Or, avec RIEN, la mort sociale est assurée, en peu de temps. ET il y a des morts : les morts de la rue,(cf. leur rapport 2022) les morts dans les EHPAD, dans les hôpitaux, fautes de soin, les suicides par désespoir. Les maltraitances envers les plus pauvres sont désormais multiples, cumulées. Elles prouvent que les dirigeants, liés aux plus fortunés, agissent envers les plus pauvres, comme des Etats racistes ont pu le faire avec des personnes visées par leur racisme. Les premiers “apartheid” ont été le fait des séparatistes ploutocratiques, en Grèce, puis après l’an mil.

Le racisme est donc né du racisme social. Est-ce que le fait qu’il soit issu de, en atténue la gravité, en fait un fait second parce qu’il sera advenu chronologiquement en second… ? Ce sont des questions typiquement… racistes : il n’y a aucun sens à hiérarchiser, envisager une réalité inférieure et moindre. Comme deux jumeaux qui se ressemblent beaucoup, ils ont beau se ressembler, ils sont DISTINCTS : né en Europe, le racisme social n’aura visé, pendant plusieurs siècles, que des membres d’une même communauté, avec la même couleur de peau, mais, dans l’époque moderne, il vise de manière indiscriminée des personnes de la même couleur de peau que les chantres de ce racisme social, comme d’une autre couleur de peau. Le racisme, lui, aura visé, d’emblée, des personnes d’une autre communauté, couleur de peau. L’un ne se confond pas avec l’autre. Leur être négatif n’est en aucun cas susceptible de servir à une hiérarchisation, sauf pour des chantres du racisme comme du racisme social. Dès lors que nous nous situons en dehors de, c’est tout à fait impossible. Des personnes qui sont victimes du racisme social, du racisme, peuvent être à la fois victimes de, et en même temps, participer à l’expression, la vie, du racisme qu’elles ne subissent pas : des victimes du racisme, peuvent pratiquer le racisme social, et des victimes du racisme social, pratiquer le racisme. Par exemple, aux Etats-Unis, des membres d’une famille noire, dont on sait que, en raison de cette couleur de peau, tant de celles et ceux qui sont ainsi caractérisés continuent d’être attaqués, mis en cause, par des mots comme par des actes, peuvent, en tant que membres d’une famille aisée, bourgeoise, tenir des propos contre les pauvres, tous les pauvres, ou des pauvres d’une autre couleur de peau que la leur, mais par contre, sauf exception, ils et elles ne tiennent pas des propos contre les personnes noires; en France, des pauvres, blancs, qui sont également attaqués, en mots et en actes, tant par des pratiques étatiques, que par des pratiques sociales, provenant des groupes enrichis, peuvent tenir des propos racistes, mais, ils peuvent aussi tenir des propos de racisme social, c’est-à-dire contre eux-mêmes, sans avoir conscience qu’ils participent à une mise en cause de ce qu’ils sont eux-mêmes. C’est que, s’il n’est pas possible de ne pas connaître sa propre couleur de peau, il est possible de se prendre pour un autre que soi, sur le plan social, économique, comme être un pauvre qui méprise les pauvres. Si la haine de soi de sa propre couleur existe, elle est, en proportion, plus rare que la haine de soi quant à son propre statut économique, dès lors qu’il est identifié en tant que personne de la « pauvreté ». Avec les personnes ploutocrates, enrichies, cette haine de soi est, là, rarissime, comme si la richesse induisait une valeur personnelle en soi – ce qui constitue une des prétentions, affirmations, « dons », du culte ploutophile. Des siècles d’inversion de la réalité, des faits, des « valeurs », ont fini par produire plusieurs effets, y compris cette haine de soi parmi les pauvres, y compris cette haine de soi parmi les personnes victimes du racisme, au point, parfois, de vouloir se changer, pour correspondre à un modèle, « heureux ». Tout un système exerce des pressions pour que les personnes concernées se nient et se renient, renient leur Histoire, leurs frères et soeurs, leur « condition » : il faudrait être blancs, et riches ou riches, et d’une autre couleur de peau, mais, au moins, riches. Fort heureusement, il y a tellement de résistances, contre cette violence : il suffit de regarder les photographies du narcissisme ploutocratique, de ces « meilleurs d’entre nous », pour rire, puisque ce qu’elles révèlent, au contraire, c’est leur caractère monstrueux, quasi « inhumain », soit parce qu’ils seraient parfaits (et l’Humanité est ontologiquement imparfaite, et cette ploutocratie est en guerre contre la condition humaine), soit parce que, constatants qu’ils sont imparfaits, ils et elles décident de se faire charcuter, une fois, deux fois, trois fois, etc, pour finir par ne ressembler, en effet, à personne d’autres, et même plus à des humains. En outre, cette Beauté « plastique », de poupées gonflables, ou de mannequins de vitrines, est une Beauté morte, avec des visages momifiées – avant même leur mort, là où la Beauté humaine, et tant de choses de la vie nous l’apprend, comme le cinéma aussi, relève de l’expression de la conscience : il y a tant de laids qui furent beaux, et tant de beaux qui furent laids. Les photographies des personnes pauvres, par elles-mêmes et par d’autres, sont importantes : elles NOUS représentent, elles représentent la MAJORITE humaine mondiale.

En résumé : les faits du racisme social sont gravissimes; les faits du racisme sont gravissimes; ils ne sont pas identiques, mais, hélas, dès lors que le racisme est apparu, et s’est développé, ils peuvent se cumuler, et c’est ce dont font l’expérience ces personnes qui se déplacent, ces pauvres qualifiés, réduits, à la condition de « migrants », comme s’ils étaient des personnes en éternelle mobilité ! Ils et elles font l’expérience de la violence qui est à la racine des pays « riches », et, ces jours-ci, dans les rues de France, comme dans les autres pays riches, « occidentaux », ils et elles sont souvent des survivants dans les rues, des survivants qui, soit, n’ont pas la nationalité française, soit l’ont, sans que, pour ce qui l’ont, cela change quoi que ce soit, preuve que le racisme déterminant les concernant est le racisme social, et que, pour celles et ceux qui ne l’ont pas, qui ont une autre couleur de peau que blanche, le racisme vient se surajouter, et aggraver les choses. La majorité politique a voté deux lois qui se conjuguent : la loi Kasbarian et la loi « immigration », et, dans la première, le racisme social est sa condition de possibilité et son sens, et dans la seconde, le racisme a ce même statut, mais elle comprend aussi en elle le racisme social, puisque, si une personne étrangère veut venir étudier en France, si elle a des revenus définis par une somme démontrée, elle sera autorisée à venir, alors qu’une personne, un étudiant, une étudiante, brillante, mais désargenté(e), sera refusé(e) !. Une personne peut être expulsée d’un logement et devenir une sans : si elle est française, elle sera à la rue, une rue française, mais une rue tout aussi rude que toutes les rues du monde, et elle pourra être désormais poursuivie en justice; si elle ne l’est pas, si elle est « sans papier », elle sera aussi expulsée d’un logement, dans la même situation que la personne française, VOIRE être expulsée de France. Les rues de France sont les cellules des sans, emprisonnés DEHORS. Si une personne expulsée hors de France l’est dans un pays où règne la même violence politique et économique, capitaliste, néo-libérale, elle subira le même sort, ou alors, si elle a de la chance, elle ne subira ni la même violence ni les dirigeants français ni le racisme français. ATTENTION : Il ne s’agit pas de faire l’éloge de l’expulsion, puisque tout le travail sur ce blog consiste à défendre des droits fondamentaux ET le respect pour les plus pauvres, mais il faut constater que la situation en France devenant régulièrement pire qu’auparavant, il y a, heureusement, plus de 7 milliards d’habitants de cette planète qui ne sont pas français et près de 200 pays qui sont différents de la France, au point que la vie hors de France est pour tant de Français volontaires pour vivre hors de France comme pour tant d’étrangers, qu’ils soient dans leur pays ou non, une satisfaction, voire un bonheur, y compris parce que le racisme n’y est pas présent ou pas aussi omniprésent, parce que la violence politique y est moindre, voire infiniment moindre. Et, dès l’Europe, il n’est pas besoin de partir loin pour vivre mieux. Les paradoxes de la vie font que les mauvaises/méchantes intentions de certains peuvent permettre à des personnes qui en subissent les effets de se retrouver sur un chemin bien meilleur que celui qu’ils pouvaient espérer en France. Mais il serait heureux que ces mauvaises/méchantes intentions n’existent pas, et ainsi, ce chemin pourrait exister alors en France.

Quoiqu’il en soit, il faut constater que la France partage avec Israël la même passion morbide pour l’expulsion, hors des logements comme hors du territoire. Il n’y a donc aucun hasard dans le fait que les deux gouvernements soient si proches et si liés, puisqu’ils agissent avec les mêmes principes et les mêmes perspectives ploutocratiques. Mais que ce soit en Israël, comme en France, la meilleure perspective ne consiste pas à trouver ce bonheur hors de France, mais à le rendre possible en France, en faisant baisser le niveau du racisme, autant que possible, proche de zéro, en faisant baisser le niveau du racisme social, et ce par le soutien à une nouvelle vie sociale dans laquelle chacun a une place, même modeste, s’il ou elle la désire telle.

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