Re-constituons notre nous : constituons nos propositions constitutionnelles (note 1)

Ce qui se passe en France ces dernières semaines fait connaître un commentaire social, politique, intellectuel, sur la Constitution. La mise en cause, sociale, radicale, de l’article 49.3, par le gouvernement, dans la procédure d’examen et de vote sur la loi concernant les retraites, concerne, au premier chef, son usage/invocation, hic et nunc, puis l’existence même de cet article qui, mal conçu, mal défini, a pu être « légalement » utilisé par le gouvernement, y compris contre « l’esprit des institutions » selon des experts de – sauf que « l’esprit » n’étant pas expréssément dans la lettre, le gouvernement peut balayer d’un revers de main ces interprétations pour se justifier par la lettre, toute-puissante. Et c’est aussi pour cela que cette Constitution a été, ainsi, écrite, si « mal » écrite, avec des généralités, l’absence de définitions, précisions, arguments, ce flou pas fou, afin de permettre à un gouvernement d’avoir le maximum de latitude, face à une assemblée nationale, rétive, résistante. Ce commentaire social, critique, est un acquis de cette période, alors que, ces dernières années, tant de citoyens se sont opposés à la politique gouvernementale, aux pratiques législatives, sans remonter jusqu’aux conditions de possibilité de ces mauvaises, orientations, décisions. Mais cet acquis est, comme tous les autres, fragile. Il peut, à nouveau, s’évanouir dans l’air de la vie sociale, qui connaît, qui est fondé sur, des changements climatiques. Texte, constitutionnel, sur texte législatif, cette loi et les autres lois, la majorité civique est assommée de diktats socio-économiques, puisque ces lois sont prises par et pour des groupes sociaux, intéressés par ce système et ces contre-réformes. Derrière ces lois et derrière cette Constitution, il y a une violence politique radicale, dans la mesure où ce sont nos existences qui sont contestées, « balayées » comme si elles étaient de la poussière sur un sol. Cette Constitution, ces législations, sont liées à une politique capitaliste constante depuis des décennies, qui a travaillé à briser les liens sociaux, communautaires, culturels, à faire des citoyens des auto-entrepris, pris dans les filets des réseaux capitalistes. Depuis 1958, les soutiens de cette Constitution ont voulu dépolitiser cette Constitution, comme si elle était un texte « neutre », respectueux de chacune, chacune, intégratif, au motif que l’appartenance à la communauté nationale est affirmée, supposée, reconnue. Or, si ce texte est si, superficiel, partiel, problématique, avec tant d’oublis, d’angles morts, de contradictions, ce n’est pas un hasard. Ses rédacteurs ont adopté un style sec, aride, avec des phrases courtes, avec des séries d’affirmations, sans la moindre argumentation. Ils en ont imposé un système politique, électoral, grossier, destiné à favoriser une aristocratie élective, comme l’explique parfaitement Dimitri Courant dans la seconde vidéo de cette note.

Depuis 1958, les citoyens français tournent dans cette cage constitutionnelle, pris au piège comme des « rats », et, bien qu’ils veuillent s’échapper, sont prisonniers de sa construction, TEXTE DEVENU organisation, politique, administrative, judiciaire, au motif que… «  c’est écrit ». En République qui prétend être « laïque », la Constitution est invoquée comme une parole révélée, parfaite, intouchable, prononcée par un Dieu, évidemment, toujours réputé « bon », « bienveillant » pour ses ouailles (en l’espèce, De Gaulle). Ce n’est pas non plus un hasard si ce texte constitutionnel est, aujourd’hui, farouchement défendu par un Espagnol bien connu en France, Manuel Valls. Or, pendant ces décennies, la Constitution a permis des coups de l’État contre la population. Par exemple, pour ne citer que celui-ci, après le rejet de la proposition d’une Constitution Giscard-UE, en 2005, la Constitution a été utilisée pour faire adopter, par le « parlement », la réunion des deux assemblées, le traité de Lisbonne, dans lequel les points les plus importants, effectifs et problématiques de la Constitution rejetée, ont été intégrés. Le message politique des « élus » a donc été très clair : vous avez voté contre cette Constitution alors que, nous, nous la soutenions, alors nous la faisons passer autrement, et ” allez vous faire…” Cette vulgarité-brutalité politique, incarnée dès le lendemain du vote contre ce texte constitutionnel, par des éditocrates qui ont littéralement insulté les Français, se trouve derrière toute la politique constituée et tuante, puisque l’adoption par la force juridique du 49.3 de cette loi sur les retraites en constitue la plus récente expression.

La pratique de la rédaction populaire de la Constitution a été popularisée par un citoyen-intellectuel, Etienne Chouard, qui, depuis ce vote négatif sur cette Constitution Giscard-UE, résultat auquel il a contribué par un travail de lecture critique (comme des millions de citoyens ont pu le faire également) s’est « cornérisé » ou s’est fait « cornériser » (à chacun d’évaluer ce qui a eu lieu), en se laissant prendre dans des discussions et des polémiques, auxquels il a eu le tort de répondre, partiellement, mal, plutôt que de rester concentré sur ses sujets, en rencontrant librement des individus connus pour des engagements politiques dangereux, troubles. La force que Chouard incarnait et portait s’est retrouvée ainsi stérilisée, stoppée, limitée, mais l’engagement de Chouard sur ce sujet, la pensée-écriture, civique, constitutionnelle, elle, est n’est pas devenue privatisée, sa chose, puisqu’elle appartient à chaque citoyen(ne). La pensée de ce qui nous constitue, ontologiquement, socialement, d’une nouvelle législation fondamentale, a été initiée par Platon, dans “Politeia” (“la République). Nous sommes libres d’investir ce travail, pour lequel il existe aussi des associations (1), explicitement consacrées à. Si écrire un texte constitutionnel est une partie des actions politiques décisives, qui changent tout, comme le texte de la 5ème République a tout changé, et pour l’essentiel, en mal, elle dépend aussi des autres actions politiques, comme, par exemple, les échanges, réels, d’une future Constituante, les débats publics sur ce nouveau texte constitutionnel. Nous devons donc faire comme si nous étions dans une situation imminente, où des citoyens seraient, seront, réunis pour ce travail, en faisant connaître nos propositions, qui doivent permettre de nous reconstituer, en tant que peuple et citoyens, contre notre effacement actuel. C’est pourquoi, ci-dessous, vous trouvez une proposition de préambule et d’un article premier, à comparer avec ceux qui sont en vigueur.

Préambule :

Les Français sont ces femmes, enfants et hommes, descendants, des familles qui ont fait l’Histoire de France, ses œuvres, ses réussites, ses échecs et ses tragédies, qui ont la nationalité française, qui sont concernés par les droits et les devoirs, communs, possibles et nécessaires, grâce aux institutions publiques, aux moyens collectifs, au dialogue civique permanent. Survivant, en 1945, à une menace sur son existence même, et ce grâce à une solidarité internationale, le peuple français n’a pas pu engager immédiatement et rigoureusement une décolonisation, et le pouvoir politique a décidé de prolonger une tutelle, coupable d’avoir été responsable de nouvelles victimes, à l’image de celles et ceux dont la vie a été perdue sous l’occupation nazie. Aujourd’hui, le peuple français n’est plus, sauf exceptions, engagé dans ces colonies de peuplement et d’exploitation, et pour ces exceptions, il affirme ici sa volonté de procéder à une décolonisation rigoureuse et respectueuse de tous dans un délai raisonnable. Par cette Constitution, le peuple français proclame son existence, reconnaît celle de tous les peuples qui forment le genre humain, sa volonté de respecter l’existence humaine, individuelle comme collective, en contribuant, de toutes les manières possibles et adaptées, à son épanouissement, à sa protection, en ayant constamment le souci de viser à l’excellence, à l’harmonie entre les unes, les uns et les autres. La Constitution qui suit a pour objet d’empêcher qu’une politique collective puisse priver un seul individu de ses droits à des conditions matérielles humaines universelles (logement digne, satisfaction des besoins vitaux, soins médicaux de haut niveau, accès à des moyens cognitifs). Enfin, dans son expression, la Constitution promeut une proportion des puissances, de manière que l’État ne soit ni réduit à presque rien, ni développé à devenir tout, qu’il respecte la place, première, des personnes, leurs initiatives, leurs circulations, leurs créations.

Article premier :

La France existe avant tout par sa population, y compris par les personnes qui, situées sur le territoire français, n’ont pas sa nationalité, mais doivent être autant respectées que les citoyens ayant cette nationalité. Son régime politique vise à être, en acte, une démocratie authentique, et, à ce titre, les conditions et la réalisation de ce caractère réel, sont affirmées clairement dans les articles suivants, et font l’objet d’un suivi par la commission sociale permanente pour l’évaluation des principes et des pratiques, publics.

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Le texte actuel est le suivant :

PRÉAMBULE :
Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004. En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la
République offre aux territoires d’outre-mer qui manifestent la volonté d’y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l’idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique.


ARTICLE PREMIER. La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales.

(1) : https://www.pouruneconstituante.fr/

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