Sylvester Stallone, “héros de la classe ouvrière” américaine : un fils fidèle à ses origines, un auteur-acteur subtilement engagé contre le cinéma-politique américain ? A propos du livre de David Da Silva (note 2)

Cette note est entièrement consacrée à ce que le livre appelle “la conscience de classe chez Sylvester Stallone”. Ce titre implique l’existence et des classes sociales et d’une conscience de, puisque toute classe détermine, a minima, les consciences qui la composent, son auto-conscience d’elle-même, qu’elle soit lucide ou pas. La “conscience de classe chez Sylvester Stallone” est donc déterminée par ses origines, sa naissance, son enfance, ses conditions de vie dans sa jeunesse, et sa conscience propre, déterminée par sa sensibilité, sa volonté, ses choix.

Comme déjà évoqué, Sylvester Stallone a connu, personnellement, la réalité de la pauvreté des prolétaires dans le cadre américain. Etre pauvre, aux Etats-Unis, comme ailleurs, cela passe par quelles contraintes ? Parce que cela passe par des contraintes, là où, à l’inverse, la “richesse” (les avoirs financiers, immobiliers, l’emploi de travailleurs pour servir) se définit par l’absence-annulation de ces contraintes. Une d’elles est élémentaire : la faim. Les, vrais, pauvres, en connaissent le poids, chaque jour. Concrètement, cela signifie que des personnes font un repas par jour, ou peuvent même passer une journée sans manger. Aux Etats-Unis, il y a même eu un retour de malades et morts du scorbut, une souffrance corporelle déterminée par une carence en vitamine C. La faim rend donc l’existence pénible, et même, la met en danger.

La faim n’est pas un sujet théorique pour Stallone. Une autre contrainte est de limiter : les déplacements, les rencontres, les opportunités. La pauvreté ressemble à un enfermement de prison, mais “en liberté”. Vous êtes libre de ne pas être libre. Ainsi, au moment de commencer son travail dans l’industrie cinématographique, Stallone ne peut pas aisément se déplacer, rencontrer des professionnels installés. Une seule chose ne lui échappe pas entièrement : ce sont les opportunités. Comme celle de soumettre un scénario et bien qu’il ne soit dans ce monde, “rien”, être pris en compte néanmoins, parce que les deux dirigeants qui ont lu et fait le choix d’acheter ce texte n’ont pas été arrêtés par ce que le racisme social arrête : son nom, son origine, son CV. Or, dès lors que le premier film, “Rocky”, est un succès, Stallone n’attend pas pour s’engager dans un second film, et il fait le choix d’un film sur un syndicalisme américain, un syndicalisme de combat, victorieux, mais contraint par le système américain (liens entre mafias et pouvoirs politiques). Ce film sort en 1978, alors que les Etats-Unis vont basculer dans le Reaganisme, le néo-libéralisme. La victoire de Reagan, souvent décrite comme large, impressionnante, marquée par un enthousiasme en sa faveur, s’est accomplie avec, sur 164 millions 597 000 inscrits, des votants au nombre total de 86 millions 509 678, et les votants pour Reagan furent 43 millions 903 230 (à peine 35 millions de voix pour Carter). Autrement dit : à peine un quart de l’électorat a voté pour Reagan. La “victoire” de Reagan est avant tout la défaite de Carter, parce que, une fois de plus, le parti démocrate a fait le choix de soutenir un mauvais candidat, représentatif de l’aile droite du parti démocrate, alors que, en poste, Carter était grillé par sa mauvaise gestion de l’affaire de l’ambassade américain à Téhéran, des “otages”. Le parti démocrate a offert à Reagan une victoire sur un plateau. Loin de témoigner d’un soutien massif des ouvriers à Reagan, le premier parti ouvrier américain était déjà, l’abstention – ce qui est devenu un fait majeur en France, alors que le néo-libéralisme y a tardivement gagné.

F.I.S.T. est un film historique qui couvre la période des années trente aux années soixante. Ce long-métrage reconstitue l’histoire de la fédération américaine des camionneurs, à travers le destin de Johnny Kovak, un jeune ouvrier immigré catholique d’origine hongroise, qui rejoint le syndicat des camionneurs et accède au rang de leader d’environ 3 millions de travailleurs. Privés de droits au départ, les camionneurs deviennent ensuite un groupe de pression très puissant dont l’influence s’exerce jusqu’en politique. Contrairement au film Sur les quais (1954) d’Elia Kazan avec Marlon Brando, F.I.S.T. tente d’expliquer le phénomène des alliances entre les syndicats et le crime organisé. Lorsqu’éclate la première grève des camionneurs, les patrons font intervenir une milice privée qui s’attaque aux grévistes de manière très violente.81 Incapables de se défendre seuls, les travailleurs se voient obligés de faire appel à des gangsters aussi violents pour les protéger.82 Le film met aussi en avant le fait que les travailleurs ont grandi dans les mêmes quartiers pauvres que les gangsters et, de surcroît, qu’ils sont d’origine ethnique commune ou proche.” (Page 58).

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires