Ce 24 décembre, l’auteur, scénariste, journaliste, William Reymond, français installé aux Etats-Unis, publiait un tweet sur le « wedge issue », une pratique d’influence sociale, dont le principe est de « prendre des incidents isolés, les sortir de leur contexte et les amplifier », afin de « créer un « vrai-faux » sujet clivant, était démontré par l’exemple de « Fox News » qui, depuis 2005, était devenu « la chambre d’écho d’un concept né dans les cuisines de la droite US : la guerre contre Noël ». Dans ce tweet, il précisait que ce wedge issue est une « arme politique redoutable dont le but est de créer de nouvelles divisions dans la société pour ensuite en profiter électoralement », comme par exemple, en se présentant comme le défenseur d’une tradition, Noël, menacée à la fois par les évolutions de l’époque, par des étrangers hostiles, etc. Il ajoutait que « ces sujets radicaux qui ne sont représentatifs de rien » « sont montés en épingle », et que les marionnettistes appartiennent à l’extrême-droite, des spécialistes de la dénonciation des « manipulations » – sauf les leurs… « Pendant 10 ans, Fox News a monopolisé son antenne pour expliquer que l’Amérique progressiste était en guerre contre Noël ». Et en 2016 et depuis, Trump s’était fait le champion de ces hallucinations. Fondé sur un principe raciste, il s’agissait de dénoncer une « guerre contre Noël », pour une « Amérique blanche », « menacée par le multi-culturalisme ». Autrement dit : les descendants des colonisateurs, qui ont importé leurs « traditions », et les imposées à toutes et tous, ont accusé une masse informe de vouloir mettre en cause ces symboles de la colonisation. Si encore… Or, élément de l’américanisation de l’Europe et de la France, « les médias de Bolloré tentent la même chose en France. Sur les plateaux de CNews et à travers les pages du JDD ». Cette offensive réactionnaire s’est concentrée, ces derniers mois, sur le « wokisme », et le principe général de la concurrence du plus-mauvais disant entre ses chantres les a conduit à voir du wokisme partout, surtout à travers des livres, destinés à des pigeons roucoulants. Puisque ces pratiques sont constantes, massives, désormais internationales, pourquoi ne répliquons-nous pas avec un terme générique pour désigner leur principe commun ? C’est pourquoi nous faisons la suggestion du « frictionnisme » (ou absurdisme ou crétinisme), qui consiste à inventer des représentations, à affirmer des significations liées à ces représentations. En même temps, il s’agit d’énoncer une fiction, de s’en servir en tant que force de friction, et de faire de l’argent avec. Grégaires, les uns et les autres répètent les mêmes fictions, comme cette attaque culturelle contre Noël, s’en servent pour attaquer, « la gauche », « les musulmans », etc, et publient des ouvrages, fondés sur du vide vicié. Parce que si l’essentiel de cette agitation consiste surtout à brasser du vent, ils ajoutent dans cet air des miasmes, des vapeurs alcooliques et infectées, comme le faisaient leurs prédécesseurs colons, quand ils « donnaient » des tissus infectés par des maladies aux habitants du Nouveau-Monde, ce monde humain qui existait depuis des millénaires. Explicitement, ses praticiens entendent être des malfaisants et des malfaiteurs : ils entendent créer des préjudices à la communauté civique, en créant des occasions, moyens, de division/affrontement, et ils entendent faire les plus gros braquages des coffre-forts des citoyens. Et de ce point de vue, leur maître à tous est Eric Zemmour, ce qui explique leur déférence envers lui, bien qu’il soit objectivement contraire à leurs critères raciaux et racistes ! Qu’il s’agisse de la dénonciation du wokisme, de la défense des traditions culturelles et cultuelles, etc, ces « frictionneurs » se présentent comme des victimes, alors que ce sont eux qui sont au soutien des colonisations continuées, qui agressent, intellectuellement, politiquement, symboliquement, des individus et des groupes, résistants. La meilleure démonstration de cette inversion des faits se situe dans le champ de la Mémoire, de l’Histoire, de la conscience civique, des connaissances publiques sur le passé. En effet, si le décolonialisme entend maintenir l’évaluation critique, négative, des colonisations occidentales, ses adeptes sont loin de construire et partager des contre-Histoire, et ce parce que la déconstruction des affirmations, des mensonges, coloniaux, sont une chose, leur remplacement par un récit historique décolonial, décolonisé, en est une autre, et ne se confondent pas. Le « débunkage » est de plus en plus pratiqué, mais la substitution aux récits nationaux/nationalistes d’un récit décolonial n’est pas fréquente, notamment parce que l’établissement d’un tel récit nouveau, novateur, exige un travail intellectuel gigantesque, qui dépasse ce qu’une personne peut faire, parce que le dynamisme pour un tel travail collectif n’existe pas, parce qu’il manque encore le désir de faire entendre une AUTRE Histoire. Malgré tout, le « peu » qui existe déjà (limité à la déconstruction) provoque des hauts-le-coeur à ces chantres de l’orthodoxie d’Etat. Il y a des signes ici et là que ce désir existe, que le travail est en cours, et que la chute des statues n’était qu’un modeste début, à côté de ce que sera celle des icônes et des principes du conservatisme/libéralisme occidental. Le cours de l’Histoire a déjà déboulonné des statues et il va continuer à le faire, mais surtout il va faire tomber les statuts des statues, comme « Napoléon le grand homme », en faisant entendre la voix de celles et ceux qui ont subi ce régime.
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