» Beaufs et barbares, Le pari du nous  » (Houria Bouteldja) : pour une Fraternité populaire en France, la première condition, nécessaire (la compréhension de l’Histoire et du présent), note 1

Houria Bouteldja a fait le choix de suivre une ligne difficile, ambitieuse, celle de « la force tranquille ». Provoquée et diffamée sur le plateau de « Ce soir ou jamais » par un agent double, elle a gardé son calme, en acceptant d’écouter ces litanies, et, depuis, elle maintient cette tenue, ce qui contribue à énerver encore plus celles et ceux qui passent leur temps à la diffamer publiquement – une chose devenue extrêmement banale et courante, puisque les réseaux a-sociaux ne s’appuient pas sur des équipes humaines pour gérer et agir sur les publications, puisque la loi Avia a, heureusement, été vidée de son contenu par les sanctions du Conseil Constitutionnel, mais en laissant ainsi un boulevard à tous les libertariens, adeptes de la « liberté d’expression absolue » dès lors qu’elle se confond avec leur expression… Pourtant, il faut le dire et le redire : il suffit de lire Houria Bouteldja pour faire disparaître ces diffamations. Il en va de même avec la parution de ce nouveau livre, dont le propos est stratégique, puisque, par exemple, l’auteure consacre quelques lignes subtiles à Alain Soral, en précisant bien que,  « Aux petits Blancs, il sert un discours complotiste, antisémite et antimondialiste. La fierté française apparaît alors comme le dernier recours au désordre capitaliste. Une fierté nationaliste pour laquelle les indigènes ont une certaine empathie. Après tout, ils sont les premiers à brandir le drapeau algérien ou leur africanité. Pourquoi refuser aux « vrais Français » ce qu’ils revendiquent pour eux-mêmes avec force? Quant au volet antisémite du propos, il rencontre l’adhésion puisque les Juifs sont perçus tant par les petits Blancs que par les indigènes comme des chouchous et des privilégiés. ». Aux petits blancs ET aux indigènes qui, à cette perche tendue, l’ont saisi, et nullement de la part de l’ensemble des prolétaires. Le Soralisme a été la voiture-balai du système, destinée à tous ceux qui étaient habités par une haine radicale contre le système, et ce pour faire dériver celle-ci vers un principal objet, les Juifs, bien que ceux-ci ne soient, ni en France, ni hors de France, les maîtres du système. Evidemment, avec ce livre, les stipendiés éditocrades des torchons de la droite/extrême-droite ont voulu y voir un projet d’alliance entre les « barbares », les prolétaires, fils et fils des colonisés de la France coloniale, avec les « beaufs » soraliens, alors qu’elle explique clairement que, avec ceux-ci, rien n’est possible, à cause d’eux, à cause de leur racisme, point de dérivation de leur dérive. Mais évidemment, elle souhaite que des Soraliens deviennent des ex, que tant d’électeurs, adhérents, sympathisants du RN FN, deviennent des ex : une mission impossible pour certains, tant ils confondent leur conscience avec ce racisme, ces haines, mais une mission, en effet, qui a des chances de succès avec d’autres, et ceux-ci peuvent, sinon, « tout » changer, en tout cas, changer beaucoup de choses. Cette note est la première sur ce livre, à l’instar de la série de notes déjà publiées sur ce blog, sur l’ouvrage de Patrick Tort, « Du totalitarisme en Amérique ». En effet, tant les présupposés du propos que son ampleur générale, ses perspectives, nécessitent de porter attention aux détails, parce qu’il n’y a pas que le diable qui se cache dans, bien des biens s’y trouvent. En 253 pages, ce livre tient plus du manifeste que du traité théorique, comme l’indique le sommaire des chapitres. Il en va ainsi des livres qui sont destinés à ouvrir des lignes de dialogue. D’un point de vue général, son auteure propose une fusion entre ses propres principes théoriques, politiques, intellectuels, avec ceux de Gramsci, à travers deux parties : l’Etat racial intégral (ou le pessimisme de la raison), et l’amour révolutionnaire, une reprise du sous-titre de son ouvrage bien et mal connu, « Les blancs, les juifs et nous ». La première partie propose une lecture décoloniale de l’Histoire européenne, de l’Histoire de France, et la seconde, un usage des acquis critiques pour traiter de notre présent, devenu, en France, si tragique ces dernières années par l’extrême-droitisation politico-médiatique (puisqu’il n’y a aucun sens à penser et désigner ces champs de manière séparée). 

Et, s’il y a bien une dimension qui est quasi systématiquement ignorée concernant le propos d’Houria Bouteldja, c’est son humour. Le début de l’ouvrage en est un exemple frappant. Se saisissant des récits d’effondrement qui nous viennent de tous les côtés, de la part de gens sincères, de la part de naïfs qui ne se rendent pas compte qu’ils sont menés par le bout du nez, par des manipulateurs qui usent de tels discours pour dire autre chose que ce qu’ils disent explicitement, elle invite à la conjonction entre ces discours et celui, typiquement chrétien, manichéen, sur la fin des Temps (apocalypse) pour nous adresser ce message : puisqu’il semble bien que nous en soyons déjà à une situation générale catastrophique, qu’attendons-nous, notamment, « nous » qui nous situons au coeur-sans-coeur, du désastre, les pays occidentaux ?! « Comme je mesure le défi qui consiste à tenir une ligne dans les ruines des espoirs politiques, autant rester réaliste et exiger l’impossible, non? L’impossible, ce sera ça : la fin de ce monde. Le NOUVEL ESPOIR. » (Page 6). Et, après ce clin d’oeil à propos de la saga « Star Wars » (cette émanation singulière et essentielle de l’entertainment américain pour pratiquer l’occultation/nettoyage du racisme structurel américain, avec des héros/héroïnes blancs, amis d’animaux intelligents…), elle ajoute : « Nous avons l’Idée, le mythe mobilisateur. Nous connaissons l’Ennemi. Il nous faut maintenant une volonté collective et une stratégie globale pour « détruire ceux qui détruisent la terre ». C’est là que les choses se compliquent car les forces populaires capables de mettre fin à ce monde sont désunies, séparées, voire opposées les unes aux autres. Le pari, c’est de trouver le moyen de les unir. Les facteurs de la désunion sont nombreux mais parmi les plus structurels, les plus anciens et les plus effectifs, il y a la division raciale. C’est à ce noeud que je consacre ce livre. » (même page). Autrement dit : le livre traite bien, comme son titre l’indique, de cette désunion des forces populaires, et elle fait le pari « de les unir », en travaillant sur un des noeuds, si ce n’est, LE, noeud principal, la « division raciale », ce qui n’implique pas qu’elle parle d’une division des races, puisque, à la différence des racistes, elle ne pense pas les races en tant que groupes ethniques constitués, divers, et en conflit, mais la « race » en tant que construction politico-intellectuelle à enjeux multiples. A ce jour, ce projet d’union est, en apparence, de manière éminente, « utopique », puisque « S’il y a bien une unité qui s’affirme dont le triomphe est annoncé, c’est celle de la suprématie blanche, dernier et ultime recours du bloc bourgeois occidental ébranlé de toutes parts par les crises sociales et politiques qu’il ne cesse de provoquer et qu’il aggrave jour après jour » (Page 7). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce recours fait beaucoup de bruit, même « pour rien », depuis des années, notamment depuis le 21 avril 2002, et n’a cessé de monter en intensité, parce qu’il y a eu une conjonction entre des Machiavels bourgeois tout à fait conscients de l’entourloupe de leur démarche, avec des « boeufs » qui, crédules, croient que, en jouant cette partition de l’amitié raciale, racialiste, raciste, avec les dominants, ils seront sauvés par ceux-ci, tels ces animaux par Noë. S’il y a bien un ennemi, un « empire du mal », pour ces chrétiens radicaux américains, comme pour leurs frères libertariens, nazis, capitalistes, c’est la fraternité proclamée, recherchée, mise en oeuvre, qu’elle le soit dans un sens internationaliste comme dans un sens national : si l’affiche officielle de cet Internationalisme a cédé, avec la disparition de l’URSS, des peuples et des Etats ont trouvé, avec l’Islam, leur Islam, un fédérateur de résistance, ce qui a suscité la colère et la haine de l’Empire du Bien, lequel, cyniquement, a joué les uns contre les autres : Irak/Iran, Arabie Saoudite/Iran/Syrie, afin d’empêcher une unité qui, pour lui, aurait représenter une force contraire puissante, catastrophique. Si les communistes agissaient au nom de cette fraternité transnationale, ceux qui ont défendu et défendent encore leur fraternité, nationale, « religieuse », ont aussi défendu un autre « communisme », le leur, c’est-à-dire le principe d’une communauté unie, solidaire, qui refuse la privatisation de tant de ses biens par des entreprises, des multinationales, occidentales. Et, sur ce sujet, il faut le constater, cette résistance a fonctionné et pris de l’ampleur, en créant des colères de « l’empire du Bien ». C’est pourquoi la première du livre est focalisée sur la construction de cet Unité anti-unité populaire : l’Etat, l’Etat capitaliste. 

ci-dessous, un long entretien qui revient sur son parcours

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