Voici comment ce Tribunal est présenté, sur leur site Internet
Depuis la fin de la guerre froide, le monde a assisté à une prolifération sans précédent de régimes de sanctions, notamment de la part du Conseil de sécurité des Nations unies, de l’Union européenne et des États-Unis. Cela est dû en partie à l’effondrement de l’Union soviétique, qui a mis fin à l’impasse dans laquelle se trouvaient les superpuissances au sein du Conseil de sécurité. Au cours des dernières décennies, les sanctions ont été lentement reconfigurées, passant du statut d’armes de guerre à celui d’instruments politiques du temps de paix. Pour que cet effort se concrétise, des décideurs politiques, des juristes et des fonctionnaires ont fait campagne pour légitimer les sanctions en tant qu’arme légale permettant de punir les nations qui refusent de se soumettre aux États-Unis et à l’Europe.
Le Tribunal international des peuples sur l’impérialisme américain (Sanctions, blocus et mesures économiques coercitives) aborde les mesures économiques coercitives comme étant intrinsèquement violentes, conçues pour maintenir l’inégalité économique, poursuivre le vol des richesses du Sud et préserver la hiérarchie raciale dans le système international. Ces mesures sont structurellement incapables de se réformer et ne peuvent intégrer les préoccupations humanitaires. Le Tribunal est un effort collectif pour construire des systèmes de responsabilité – enracinés dans la solidarité des mouvements mondiaux – à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la loi, pour défier la violence de l’impérialisme à travers les sanctions. Nous interrogeons les sanctions non pas du point de vue de ceux qui les appliquent, mais du point de vue de ceux qui en subissent le plus les conséquences, à savoir les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud.
POURQUOI ORGANISER UN TRIBUNAL POPULAIRE ?
Les tribunaux populaires reprennent l’éthique de l’autodétermination et de l’internationalisme qui s’est exprimée dans les luttes anticoloniales du XXe siècle et qui a été institutionnalisée lors de la Conférence tricontinentale de 1966 à Cuba. Ils rassemblent des juristes, des universitaires et des organisateurs du monde entier et sont conçus par les mouvements sociaux et les communautés dans lesquels ils sont enracinés, auxquels ils doivent rendre des comptes. Opérant en dehors des logiques et des institutions du droit capitaliste et impérialiste, les tribunaux populaires prennent des décisions qui ne sont peut-être pas contraignantes et n’ont pas force de loi, mais leurs réalisations dans un registre politique et discursif inspirent et fournissent les outils nécessaires à l’organisation présente et future. Les tribunaux populaires permettent aux opprimés de juger les puissants, en définissant le contenu et la portée des procédures, ce qui inverse la norme selon laquelle les puissants créent et appliquent la loi.
Il existe une longue tradition d’organisateurs et d’avocats radicaux qui utilisent la loi pour faire le procès du capitalisme et de l’impérialisme. Organisé par le Congrès des droits civiques et soutenu par le Parti communiste ainsi que par un grand nombre de personnalités de la gauche noire, dont W. E. B. Du Bois, Claudia Jones et Paul Robeson, We Charge Genocide : The Historic Petition to the United Nations for Relief of a Crime of the United States against the Negro People, accuse le système politico-économique du capitalisme et de la suprématie blanche d’avoir infligé de nombreuses formes de violence structurelle et physique aux Noirs aux États-Unis et d’avoir établi des parallèles avec la violence impérialiste américaine à l’étranger. Le Tribunal Russell a été créé en 1966 pour juger l’intervention militaire américaine et les crimes de guerre au Viêt Nam. Le même format a été repris par les Tribunaux Russell ultérieurs pour juger les dictatures militaires brésilienne et argentine soutenues par les États-Unis (1964 et 1976, respectivement), le coup d’État soutenu par les États-Unis au Chili (1973) et les interventions américano-européennes contre l’Irak (1990, 2003). En 2016, le Tribunal international pour la démocratie au Brésil a examiné de manière critique la destitution de la présidente Dilma Rousseff et le rôle du gouvernement américain. Organisé à Bruxelles par des groupes philippins et internationaux, le Tribunal international des peuples 2018 sur les Philippines a exposé et condamné les multiples formes de violence d’État exercées sur le peuple philippin depuis que Rodrigo Duterte est devenu président en 2016. Enfin, le gouvernement américain a été directement jugé par deux tribunaux populaires novateurs, à savoir le Tribunal international sur Katrina et Rita (2007) et le Tribunal international sur les crimes coloniaux des États-Unis contre Porto Rico (2018).
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